Sahara occidental : Rabat met la pression pour faire endosser son plan d’autonomie

Francetvinfo – Le Maroc a récemment rallié à sa cause l’Espagne après les Etats-Unis et l’Allemagne.

C’est le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez qui viendra lui-même au Maroc entériner cette “nouvelle étape” qu’évoquait Madrid, le 18 mars 2022, en se ralliant là la position marocaine sur le Sahara occidental, l’ex-colonie espagnole dont le sort oppose Alger et Rabat depuis 1975.

Pedro Sanchez est attendu “dans les très prochains jours” à Rabat, à l’invitation du roi Mohammed VI, selon un communiqué du cabinet royal. Une visite du chef de la diplomatie espagnole José Manuel Albares, initialement prévue le 1er avril 2022, a été reprogrammée à la même date que celle du Premier ministre.

“Coup diplomatique”

Le revirement espagnol, après un an de brouille, a été salué comme un “coup diplomatique” par les Marocains. L’Espagne a opéré un changement de position radical en apportant son soutien au plan d’autonomie sous souveraineté marocaine proposé en 2007 par Rabat, considérant désormais l’initiative marocaine “comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible” pour résoudre le contentieux.

Cette annonce fracassante est intervenue après une crise diplomatique, déclenchée en avril 2021 par l’accueil en Espagne, pour y être soigné du Covid-19, du chef du Front Polisario, Brahim Ghali, ennemi juré de Rabat. Son point culminant avait été, un mois plus tard, l’arrivée de quelque 10 000 migrants d’origine marocaine en quelques heures dans l’enclave espagnole de Ceuta, sur la côte nord du Maroc, à la faveur d’un relâchement de la surveillance des frontières côté marocain.

Pour le Premier ministre espagnol, le virage de Madrid était nécessaire pour nouer une relation “plus solide” avec le Maroc, partenaire commercial majeur et allié “stratégique” dans la lutte contre l’immigration illégale.

L’Europe invitée à s’aligner sur l’Espagne

Le Sahara occidental s’étend sur 266 000 km² situé sur la côte atlantique et est bordé par le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie. Quasi désertique, il est riche en phosphates et son littoral, long de 1 100 km, est très poissonneux. Coupé du Nord au Sud depuis les années 1980 par un “mur de défense”, comme l’appellent les autorités marocaines qui l’ont érigé, il compte plus d’un demi-million d’habitants.

L’ancienne colonie est considérée comme un “territoire non autonome” par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif. Il s’agit du seul territoire du continent africain dont le statut post-colonial reste en suspens. Le Maroc en contrôle 80% et propose une autonomie sous sa souveraineté, tandis que les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie, réclament un référendum d’autodétermination.

Aujourd’hui, Alger apparaît isolée, relèvent des analystes, et l’ONU tente difficilement de relancer un dialogue politique suspendu depuis 2019. Depuis la reconnaissance de la “marocanité” du Sahara occidental par Washington en décembre 2020, en contrepartie de la reprise de ses relations avec Israël, Rabat presse la communauté internationale de suivre l’exemple américain.

Ainsi, après avoir reçu son homologue américain Antony Blinken qui a réitéré le soutien des Etats-Unis sur ce dossier, le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita a invité le 29 mars 2022 l’Europe à “sortir de sa zone de confort” et, à l’instar de l’Espagne, à endosser le plan d’autonomie. Cet appel se double d’une mise en garde “à ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes”. Dans un discours à la nation en novembre, Mohammed VI a averti que “le Maroc n’engagerait avec eux aucune démarche d’ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain”.

Rabat mise sur le rapport de force

Le Maroc est déterminé à régler en sa faveur l’interminable conflit du Sahara occidental qui l’oppose aux indépendantistes sahraouis soutenus par l’Algérie, même au prix d’une brouille avec ses alliés, estiment des analystes. Pour le royaume chérifien, le Sahara occidental – qu’il appelle ses “provinces du Sud” – a historiquement fait partie de son territoire, une “vérité immuable” qui “ne sera jamais à l’ordre du jour d’une quelconque tractation”, selon le roi Mohammed VI.

“L’offensive marocaine se fait à un moment où les yeux sont braqués sur l’Ukraine”, observe la politologue Khadija Mohsen-Finan. “Elle se fait aussi au terme d’un long processus consistant pour le Maroc à se rendre indispensable aux Occidentaux : migration, survol du territoire, sécurité et lutte contre l’islamisme”, ajoute-t-elle. Aux yeux de l’historien du Maghreb, Pierre Vermeren, “les Marocains ont parfaitement tiré les enseignements de la géopolitique actuelle. Le rapport de force est devenu la norme au détriment du droit international”.

Preuve de sa volonté de s’affranchir de toute tutelle au nom de ses intérêts, le Maroc n’a pas participé aux deux votes de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant Moscou pour l’invasion de l’Ukraine, afin de ne pas se mettre à dos la Russie, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, selon des analystes. La position du Maroc a “vivement déçu” ses partenaires, selon une source diplomatique occidentale, “au regard de la gravité de l’agression russe et au titre de ses alliances traditionnelles avec les pays occidentaux, auxquelles elle a préféré un rapprochement avec la Russie, pourtant favorable au Front Polisario”.

En réaction, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a décidé de rappeler son ambassadrice au Maroc, Oksana Vassilieva, jugeant qu’elle “perdait son temps” à Rabat.

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