Union Européenne/Mauritanie : Un accord stratégique aux multiples facettes

Le Quotidien de Nouakchott – Le 8 février 2024, un événement marquant a eu lieu à Nouakchott, lors de la visite conjointe d’Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, et de Pedro Sanchez, Chef du gouvernement espagnol.

Ils ont rencontré le Président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, pour discuter et renforcer les liens stratégiques entre la Mauritanie et l’Union Européenne, ainsi que les relations bilatérales avec l’Espagne. Officiellement, c’est un accord sur les relations économiques entre la Mauritanie et l’UE.

Mais le déplacement de la présidente de la Commission européenne, et du chef du gouvernement espagnol, et d’Hans Leitjens, le directeur de l’agence de contrôle des frontières européennes Frontex, dit autre chose. C’est bien un accord migratoire que les Européens sont venus chercher à Nouakchott.

Cette rencontre a abouti à une déclaration conjointe soulignant l’importance de la coopération dans divers domaines tels que la politique, l’économie, le commerce, la culture, la coopération et la sécurité. Les discussions ont mis en évidence la nécessité de principes essentiels tels que la concertation constructive, le respect mutuel, l’esprit de confiance, la transparence, la quête permanente de l’efficacité et le respect des engagements.

L’accord signé entre l’UE et la Mauritanie, bien que présenté comme un partenariat économique, a une dimension significative liée à la gestion de la migration. La Mauritanie, pays stable du Sahel et point de transit pour les migrants se dirigeant vers l’Europe, va recevoir un soutien financier conséquent de l’Europe, notamment 210 millions d’euros pour la gestion de la migration et 60 millions d’euro pour l’aide au développement. Cette aide financière vise également à renforcer le rôle de la Mauritanie en tant que vecteur de stabilité régionale, à soutenir son développement économique et à contribuer à la lutte contre les réseaux de passeurs.

L’approche européenne en matière de migration s’est avérée être de plus en plus externalisée, cherchant à collaborer avec les pays du sud pour contrôler et gérer les flux migratoires. L’accord avec la Mauritanie s’inscrit dans cette lignée, après des accords similaires avec d’autres pays comme la Turquie et des tentatives avec la Tunisie. Ces partenariats stratégiques mettent l’accent sur le développement économique, la sécurité, et la gestion de la migration, tout en promouvant le respect des droits de l’homme et la protection des réfugiés.

Les engagements pris lors de cette rencontre incluent le soutien de l’UE à des projets d’infrastructures majeurs en Mauritanie, tels que le développement d’une route entre Nouakchott et Nouadhibou et la construction d’une ligne à haute tension, signe de l’importance accordée à la coopération en matière d’énergie renouvelable et de développement durable.

En outre, l’UE et l’Espagne ont réaffirmé leur engagement à soutenir la Mauritanie dans les domaines de la sécurité et du développement économique, y compris l’aide aux réfugiés et aux communautés d’accueil, la lutte contre le trafic d’êtres humains et la migration irrégulière, ainsi que le développement de programmes de migration circulaire.

Comparaison avec les autres accords

Ce partenariat entre l’UE et la Mauritanie représente une étape importante vers une gestion plus collaborative et respectueuse des flux migratoires, tout en soulignant l’importance de la stabilité régionale, du développement économique et de la protection des droits de l’homme. Il reflète également les défis et les opportunités auxquels l’Europe et ses partenaires africains sont confrontés dans un monde de plus en plus interconnecté. La gestion de la migration par l’Union Européenne (UE) via des accords avec des pays tiers comme la Mauritanie, la Turquie et la Tunisie met en lumière les stratégies diversifiées mais interconnectées de l’Europe pour contrôler les flux migratoires. Ces partenariats stratégiques reflètent la complexité des enjeux migratoires et la recherche d’un équilibre entre coopération économique, aide au développement, sécurité et respect des droits humains. Voici une comparaison de ces accords :

Avec la Turquie

– Nature de l’accord : En 2016, l’UE a conclu un accord avec la Turquie visant à réduire le nombre de migrants et de réfugiés arrivant en Europe via la Turquie. La Turquie s’est engagée à reprendre les migrants non éligibles à l’asile en Europe en échange d’une aide financière de 6 milliards d’euros, suivie d’une rallonge de trois milliards en 2021.

– Résultats : Cet accord a considérablement diminué le flux de migrants vers l’Europe par la route des Balkans, illustrant l’efficacité de la coopération financière et sécuritaire en matière de contrôle migratoire.

– Critiques : Malgré son succès apparent en termes de réduction des flux migratoires, l’accord a été critiqué pour son impact sur les droits des réfugiés et migrants, ainsi que pour avoir conféré à la Turquie un levier politique significatif sur l’UE.

Avec la Tunisie

– Nature de l’accord : En juillet 2023, un accord a été signé avec la Tunisie, visant à développer un « partenariat stratégique », similaire en vocabulaire à celui avec la Mauritanie. Cependant, le président tunisien Kaïs Saied a rejeté les 127 millions d’euros proposés par l’UE, critiquant la suffisance et la nature de l’aide financière car les Européens n’amenaient en réalité que la moitié de cet argent, l’autre partie étant la réaffectation de crédits déjà prévus.

– Résultats : L’échec de cet accord montre les limites de la stratégie européenne quand elle est perçue comme insuffisante ou déséquilibrée par les pays partenaires.

– Critiques : Cet accord avorté met en évidence les défis dans la négociation de partenariats qui doivent être mutuellement avantageux tout en respectant la souveraineté et les besoins spécifiques des pays tiers.

Avec la Mauritanie

– Nature de l’accord : L’accord entre l’UE et la Mauritanie, signé en 2024, vise officiellement à renforcer les relations économiques mais se concentre principalement sur la gestion de la migration, avec un soutien financier substantiel pour le contrôle des flux migratoires.

– Résultats : Cet accord s’inscrit dans la continuité des efforts de l’UE pour stabiliser les régions du Sahel et contrôler les routes migratoires vers l’Europe.

– Critiques : Si les détails financiers et les objectifs de développement sont clairs, les implications pour les droits des migrants et des réfugiés nécessitent une surveillance continue pour éviter les écueils observés dans d’autres accords.

Analyse Comparative

La comparaison révèle que, bien que l’UE cherche à externaliser la gestion des migrations, les contextes spécifiques et les réactions des pays partenaires varient considérablement. L’accord avec la Turquie a été efficace mais controversé, celui avec la Tunisie a échoué en raison de désaccords sur le financement, tandis que l’accord avec la Mauritanie représente un nouvel essai de collaboration dans un contexte de stabilité relative mais de défis sécuritaires et économiques.

Ces accords montrent que l’efficacité de la stratégie d’externalisation de l’UE dépend de la capacité à offrir des avantages mutuels tout en respectant les droits humains. Ils soulignent également l’importance de la flexibilité, de la négociation et de l’adaptation aux réalités politiques, économiques et sociales des pays partenaires.

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