Droits de l’Homme, Communication et image de la Mauritanie à l’étranger : Quel impact sur le développement du pays ?
Depuis plusieurs dizaines d’années, notre pays est indexé dans les fora internationaux pour ses violations des droits de l’homme à cause d’arrestations arbitraires, des détenus d’opinion, des cas de torture, d’esclavage, entre autres.
Ces dénonciations ont été faites par plusieurs ONG de défense des droits de l’homme comme Front Line Defenders, Human Rights Watch, la FIDH (Fédération internationale pour les droits humains) et autres.
Certaines grandes organisations de défense des droits de l’homme ont même subi l’affront d’être refoulées de notre pays, Amnesty International, par deux fois en novembre 2018 et mars 2019, et en septembre 2017, une forte délégation constituée de quatorze personnalités de la société civile américaine, amenée par le fils du Révérend Jessie Jackson, a été déclarée persona non grata en Mauritanie et ses membres refoulés à partir de l’aéroport de Nouakchott, ce qui a eu pour conséquence la suspension de notre pays de l’AGOA (African Growth Opportunities Act), loi sur la Croissance et les Opportunités de Développement en Afrique.
Cette mesure américaine permet à certains pays africains remplissant certaines conditions (démocratie, droits de l’homme et environnement des affaires), d’exporter des produits locaux vers l’Amérique en franchise totale des droits de douane.
Pour rappel, les droits de l’homme sont les droits inaliénables auxquels toute personne peut prétendre, sans discrimination, du simple fait de sa condition humaine. Ce sont des droits fondamentaux universels, qui sont essentiels à la dignité, à la survie et au développement humains. Les droits de l’homme sont indivisibles et interdépendants et tous les Etats sont tenus de les respecter et surtout de les mettre en oeuvre. Sinon, ils n’auraient aucun sens. Généralement, on distingue trois types de droits de l’homme :
1. Les droits civils et politiques: exemple le droit à la vie, la liberté d’association ou la liberté de religion
2. Les droits économiques, sociaux et culturels: exemple le droit au travail, à l’éducation et à la sécurité sociale
3. Les droits dits de «troisième génération», puisque datant de la fin du 20ème siècle et du début du 21ème siècle : exemple le droit au développement et à un environnement propre et sain
La promotion des droits de l’homme revêt une grande importance et constitue un objectif important de la politique étrangère de notre pays qui a d’ailleurs ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme :
· Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié en 2004
· Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié en 2004
· La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée en 2004
· La Convention relative aux droits de l’enfant; ratifiée en 1991
· La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ratifiée en 1988
· La Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et les membres de leurs familles, ratifiée le 22 janvier 2007
· La convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, ratifiée en janvier 2010
· La Convention internationale pour la protection des droits des personnes contre les disparitions forcées, ratifiée le19 juillet 2012
· Le Protocole facultatif se rapportant à la convention internationale contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifié le 19 juillet 2012
· La charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifiée le 14 juin 1986
Mais alors avec tous ces engagements, pourquoi donc notre pays est-il la cible récurrente des organisations de défense des droits de l’homme ? À mon avis, il y a plusieurs raisons à cette situation.
Chaque État doit assurer la promotion des droits de l’homme par divers instruments et initiatives. Or notre pays n’a jusqu’à présent fort malheureusement pas fait bon usage des outils adéquats pour améliorer son image à l’étranger. C’est la raison principale de l’indexation de notre pays par les organisations de défense des droits de l’homme. Pour remédier à cette situation désastreuse, non seulement pour son image mais aussi pour son économie, notre pays doit s’appuyer sur les 3 instruments ci-après :
1. Démarches, interventions et déclarations officielles
Dans le monde entier, les droits de l’homme font l’objet de démarches diplomatiques et sont abordés lors de rencontres bilatérales. Ils donnent également lieu à des interventions et à des déclarations officielles au sein d’organes multilatéraux, notamment dans le cadre des examens périodiques universels menés sous les auspices du Conseil des droits de l’homme à Genève
2. Echanges techniques
Des échanges techniques axés sur le long terme permettent également d’aborder la question des droits de l’homme avec certains pays partenaires dans le cadre d’un dialogue structuré ou d’un programme traitant de domaines particulièrement sensibles. Il peut s’agir de missions d’experts, de séminaires, de voyages d’études, de publications ou de projets de coopération, tels que les dialogues et les consultations sur les droits de l’homme.
Un autre instrument extrêmement important et efficace consiste en l’utilisation d’INITIATIVES DIPLOMATIQUES. Celles-ci sont des interventions faites auprès d’organisations internationales telles que les Nations Unies (ONU). Les pays peuvent soit lancer leurs propres initiatives, soit soutenir celles d’autres Etats. Les principales étapes sont les suivantes:
1. Vision ou mandat politique
2. Formulation et dépôt d’un projet
3. Alliances avec des États partageant les mêmes vues
4. Recherche de contacts avec les États qui ne soutiennent pas le projet
5. Lobbying et collaboration avec la société civile
6. Evaluation des résultats, éventuellement accompagnement de la mise en oeuvre
Cependant, tous ces instruments, principalement LES INITIATIVES DIPLOMATIQUES, ne peuvent être porteurs de fruits que s’ils sont utilisés et gérés par des personnes, associations ou organisations spécialisées aux profils très pointus en droits de l’homme, communication institutionnelle, plaidoyer et lobbying.
Ces « AMBASSADEURS » d’un genre nouveau devront avoir dans leur cahier des charges la mission d’utiliser un des 4 instruments juridiques qui sont mis à la disposition de la communauté internationale, en l’occurrence le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, basé à Genève. D’ailleurs, notre pays vient d’être élu membre de cette auguste institution, en espérant qu’il puisse en tirer le meilleur profit possible. Incontestablement cependant, il s’agit là d’un succès de notre diplomatie, fait suffisamment rare pour être souligné.
Afin de renforcer la culture des droits de l’homme dans notre pays, le gouvernement doit s’engager à poursuivre les trois objectifs globaux suivants :
A / Continuer à défendre et promouvoir l’universalité, l’interdépendance et l’indivisibilité des droits de l’homme. Notre pays doit promouvoir la réalisation effective des droits de l’homme de chaque individu et s’engager contre le relativisme et l’instrumentalisation des droits de l’homme
B / Garantir un cadre de référence international cohérent et renforcer les institutions et mécanismes de droits de l’homme. Notre pays s’engage en faveur d’un cadre normatif international adéquat et pour des institutions de droits de l’homme fortes aux niveaux national, sous régional et international.
C / Renforcer la formation et l’engagement des acteurs-clés dans le domaine des droits de l’homme. La Mauritanie doit développer la coopération avec d’autres États et s’engager pour le renforcement des capacités de la société civile. Elle doit également promouvoir le respect des droits de l’homme par le secteur privé.
Ce faisant, et en s’appuyant sur les instruments cités plus haut, notre pays pourrait redorer son image car il peut se targuer d’avoir les atouts suivants :
· C’est une destination riche culturellement
· Les infrastructures hôtelières y sont de plus en plus développées
· Son sens de l’accueil et de l’hospitalité est légendaire
· Ses paysages sont diversifiés (mer et désert y cohabitent)
· Sa situation géographique, à cheval entre le Maghreb et l’Afrique noire, est idéale
· Surtout, c’est une destination sûre du point de vue de la sécurité des biens et des personnes En revanche, il manque cruellement de lieux de distractions qui doivent faire partie du package « VISIT MAURITANIA »
Avec ces atouts, nous pouvons orienter notre action au niveau international pour améliorer l’image de notre pays, et partant son attractivité tant au niveau de notre offre exportable «Made in Mauritania» qu’au niveau des IDE (Investissements directs à l’étranger) et des flux touristiques.
À titre d’exemple, un pays comme le Rwanda a su profiter d’une conjoncture favorable pour s’associer à des marques prestigieuses ou à des équipes de football à l’image très vendeuse telles que le PSG ou Arsenal, avec des slogans non moins invitants du type « VISIT RWANDA ».
En conclusion, nous vivons dans un village planétaire aujourd’hui, entourés de pays avec lesquels nous sommes liés par des relations non seulement historiques et géographiques, mais aussi commerciales. Il nous sera impossible d’atteindre un niveau de développement à la hauteur des attentes de nos populations en ne respectant pas les droits de l’homme. En étant en phase avec les standards internationaux en la matière, et en mettant en place une politique intelligente de « Nation Branding » (Marketing pays), notre pays aura la possibilité de renforcer son attractivité vis-à-vis des touristes, des investisseurs et de la main-d’oeuvre qualifiée, ce qui lui permettra également de renforcer son influence culturelle et politique. Bref, de s’engager sur la voie du développement.
M. Cheikh Tidiane DIOUWARA
Directeur exécutif du CIPINA, www.cipina.org, Lausanne, Suisse
Expert des droits de l’homme
Conseiller diplomatique
Membre du Club Suisse de la Presse
Président de la COMUD (Mauritanie)