Confinons les impunis !

Une vaste et retentissante arnaque immobilière défraie la chronique marocaine depuis quelques jours. Un promoteur a vendu sur plans à au moins mille acheteurs de magnifiques futures villas à Casablanca… sans le moindre titre foncier ni permis de construire. Près de soixante millions d’euros ont disparu, clament les avocats des victimes. Si l’homme par qui le scandale est arrivé est maintenant en prison, restent d’innombrables questions sur les responsabilités et complicités qui ont permis cette vaste escroquerie. L’enquête suit son cours et il y a des fortes chances que toute la filière soit démantelée. Au Maroc, l’impunité n’est pas un vain mot. Contrairement à notre pays où les scandales à répétition ont émaillé la dernière décennie. Et aucune enquête sérieuse, encore moins de poursuites judiciaires ! Des exemples ? En veux-tu, en voilà à la pelle ! Le projet d’usine d’assemblage d’avions qui a englouti des millions de dollars sans même seulement un début d’exécution ; la coopérative féminine de microcrédits où des centaines de femmes ont contribué et dont le gérant a disparu avec un bon paquet de millions ; le projet « Sucre » impliquant au départ les Soudanais et qui s’est révélé un fiasco malgré les milliards injectés ; l’usine d’aliments de bétail d’Aleg, celle de lait de Néma, l’aciérie de Chami… et la liste est longue de projets foireux dont le pouvoir déchu s’est fait marque déposée. Personne n’a rendu compte pour ces milliards dilapidés. Aucune enquête ouverte. La Cour des Comptes et l’IGE ont fait comme si de rien n’était et ne se sont pas plus autosaisies qu’une justice aux ordres de l’Exécutif. Jamais l’impunité n’a autant mérité ses lettres de bassesse qu’au cours du règne d’Ould Abdel Aziz. Certes quelques seconds couteaux furent envoyés en prison pour du menu fretin comparé aux vastes opérations de détournement, blanchiment, mauvaise gestion et scandales financiers auxquelles se sont adonnés le parrain et son clan. Sinon comment expliquer qu’en dépit des énormes recettes générées par l’industrie minière, le pays se soit endetté, en dix ans, à près de 100 % de son PIB ? Quatre milliards de dollars de dettes que nous ont fourguées Aziz et son équipe pour un résultat quasi-nul ! Quelques centaines de kilomètres de bitumes tombés en décrépitude dès la première année, des centrales électriques et des lignes haute tension surfacturées, des hôpitaux et des centres de santé très mal conçus et sous-équipés, des sociétés d’État acculées les unes après les autres à la faillite et des échecs à la tire-larigot qu’il serait fastidieux de citer un à un… Une commission parlementaire a certes été mise en place pour plancher sur certains dossiers mais plusieurs questions restent en suspens. Ses conclusions seront-elles suivies d’effet ? Les responsables, y compris ceux encore aux affaires, seront-ils inquiétés si leur implication est avérée ? Assistera-t-on à la fin de l’impunité pour que plus jamais les ressources de ce pauvre pays soient massacrées par ceux-là mêmes censés en prendre le plus grand soin ? Le peuple n’en demande pas plus : confinons les impunis !

Ahmed ould Cheikh

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