L’ADG de la SNIM, ou le pouvoir redoutable de la médiocratie – Hacen Lebatt
Pendant le second mandat de Aziz, à la fin du conseil des ministres, les membres du gouvernement avaient hâte de se retrouver entre complices amusés, pour commenter, au détour des couloirs de la Présidence, les nouveautés du champ lexical du ministre de l’économie et des finances, Moctar Ould Djay.
En effet, le puissant vice-roi n’avait peur de personne, n’en respectait davantage et, surtout, n’écoutait que Aziz. Chaque jour, il entre au Palais, lesté d’une tonne de parapheurs, qu’il passe en revue avec son maître. Lorsqu’il se retrouve en réunion interministérielle, il met le pied sur la table, bien en face du chef du gouvernement.
Il convoque ses collègues et les laisse poireauter des heures durant dans son cabinet. Et lorsqu’une convention doit être signée par le premier ministre, ce dernier répond à la convocation du puissant ministre de l’économie. Dans le bureau du proconsul, le pauvre arrive, tremblant, muni d’un stylo-bille, signe puis s’en va, sans emporter de copie ni fond de dossier.
Malheur au ministre audacieux qui oserait proposer, en conseil, une nomination susceptible de déplaire à Ould Djay. Pourtant, ce dernier ne se prive de faire nommer ses proches, la plupart d’obscurs incapables. Il est de notoriété publique que la réunion hebdomadaire du gouvernement réserve son chapelet de mesures individuelles, au profit des affidés de Moctar Ould Djay.
Alors, la seule vengeance à portée de ses collègues consiste à commenter, non sans malice et un brin de cruauté, les phrases claudicantes de l’influent numéro deux du gouvernement, preuves de sa carence intellectuelle et d’une ignorance crasse. Elles confirment les clichés universels du pouvoir redoutable de la médiocratie. Admirez, car des cas du genre, notre haute administration regorge :
– La « passion » des marchés : la passation des marchés
– On va louer un « Alicoptère » : hélicoptère
– On va prendre « une » arrêté : un arrêté
– Les « investeurs » : les investisseurs
– On a construit quatre z’hôpitaux (sic)
Cependant, le chef-d’œuvre incontestable de ce génie de l’éloquence reste le « pelotage des projets », une science jusqu’ici confidentielle : pilotage.
Sincèrement, j’admire le flegme des ministres. Par exemple, quand on prononces en ma présence, la « passion des marchés », j’éclate de rire, parce je me rappelle immédiatement combien ce sentiment habite Mohamed Ould Abdel Aziz et guide sa vie. S’agissant de « pelotage », libre à chacun de choisir le « projet » objet de ses fantasmes personnels.
Si Aziz demeure le principal bénéficiaire de cette « solution finale », Ould Djay en était le Goebbels. Comment, dès lors, arrêter l’instigateur tandis que l’artisan, l’architecte, le maître d’ouvrage continue d’occuper l’une des prestigieuses fonctions de la République ? A moins d’un sabotage, tôt ou tard notre Nuremberg de la bonne gouvernance répondra à la question.
Ould Djay n’a ni diplôme ni expérience professionnelle ni savoir-faire ni carnet d’adresse international et encore moins une profondeur intellectuelle ou une sagesse politique. Alors pourquoi le maintenir à un poste si stratégique alors que sonne, partout, l’hallali des prédateurs ?
Hacen Lebatt
Source : Hacen Lebatt