[Photos] Mobilisation contre un projet de loi qui « acte l’inégalité culturelle » dans le système éducatif
En Mauritanie, la bataille pour l’enseignement des langues nationales dans le système éducatif s’est à nouveau invitée dans le moulin du gouvernement depuis qu’un projet de loi d’orientation a été annoncé décembre dernier par le ministère de l’Education nationale. Depuis, ce projet de loi est devenu un marqueur du mécontentement de l’Organisation pour l’officialisation des langues nationales (OLAN).
Vendredi 20 mai, à 11 heures TU, devant l’Assemblée Nationale, des dizaines de personnes brandissaient des pancartes appelant à l’officialisation des langues nationales en l’occurrence le poular, le wolof et le soninké et au rejet du projet de loi d’orientation porté par le ministère de l’Education nationale et de la Réforme du système éducatif.
Le rassemblement était organisé à l’initiative de l’Organisation pour l’officialisation des langues nationales (OLAN) qui milite pour l’égalité culturelle et linguistique en Mauritanie.
Parmi les porteurs, il y’avait Salimata, lycéenne, qui brandit ce slogan : non au projet de loi d’orientation porté par le ministère de l’Education nationale et de la Réforme du système éducatif.
« Je suis là pour faire entendre mon refus par rapport à la volonté du gouvernement de nous imposer unilatéralement la langue arabe ». «Il est hors de question d’exclure les langues nationales du système éducatif. On doit léguer à nos enfants un système d’enseignement inclusif. Les langues nationales doivent avoir droit au chapitre », renchérit Thilo Touré, lycéenne.
Pour rappel, ce projet de loi d’orientation, dont font allusion Salimata et Thilo, s’appuie sur les conclusions des assises de concertation nationale sur la réforme du système éducatif qui ont eu lieu en décembre 2021.
Les 500 participants à ces assises avaient adopté une feuille de route intitulée «L’école que nous cherchons », mettant en relief la situation du secteur de l’éducation nationale et des leçons tirées des précédentes réformes et les motifs de la réforme.
Dans ce document, la position de l’arabe est renforcée notamment au niveau des matières scientifiques qui se faisaient en français. Pour ce qui concerne les langues nationales, il est recommandé « la création d’un organe chargé d’expérimenter leur enseignement en vue de leur généralisation ».
Pour les initiateurs de l’Organisation pour l’officialisation des langues nationales (OLAN), le projet de loi d’orientation porté par le ministère de l’Education nationale et de la Réforme du système éducatif s’inscrit dans le sillage de la relégation des langues nationales « à un statut inférieur ».
« Ce projet de loi, que différents acteurs espéraient qu’il puisse corriger les injustices, affirme, sans complexe aucun, sa volonté de parachever l’imposition de l’arabe sur les autres langues du pays et d’acter l’inégalité culturelle de façon juridique. Ainsi, à l’école, l’enfant locuteur du Hassanya aura un droit garanti par une loi d’être favorisé devant le non locuteur de cette langue », souligne l’Organisation pour l’officialisation des langues nationales (OLAN).
Pour ce mouvement, sur des centaines de milliers d’enfants, le biais de sélection sera sans appel.
« Il devient mathématiquement prédictible qu’au niveau aussi bien de la quantité que de la qualité, les futures générations dirigeantes du pays seront issues d’une seule communauté ethnique et les subalternes des autres. Ce procédé de domination multidimensionnelle est dangereusement bien réfléchi et s’il arrivait à être garanti par la loi, comme le prévoit le projet de loi que nous dénonçons, on serait en face d’une dynamique irréversible d’effacement pur et simple des langues et les cultures qu’elles véhiculent et de la dévaluation intellectuelle, citoyenne, culturelle et humaine de leurs locuteurs », explique OLAN dans une déclaration qui a été lue publiquement.
Une des figures emblématiques de l’opposition mauritanienne, Kadiata Malick Diallo, par ailleurs, député à l’Assemblée Nationale, était présente :
« Comme c’est une manifestation qui se tient devant l’Assemblée Nationale, je suis obligée de venir voir les citoyens qui manifestent et savoir les raisons de leur manifestation. Ceux qui manifestent ici réclament l’officialisation des langues nationales (poular, wolof et soninké) et réclament aussi que ces langues soient aussi des langues d’enseignement.
Je suis venue d’abord pour voir. Leur combat est le mien. C’est un combat qui est juste. Ce sont des revendications qui sont justes que j’ai porté depuis très longtemps, que les associations culturelles ont porté depuis des décennies. C’est juste une continuation de la lutte sous d’autres formes ».