Déclaration : Bureau national de l’ARPRIM dit NON !
Doro Gueye – Nous espérons qu’après lecture de cette déclaration, l’opinion sera édifiée sur la position de la partie majoritaire du Bureau National (BN) de l’Association pour la Renaissance du Pulaar en Mauritanie (ARPRIM/ Fedde Ɓamtaare Pulaar he Moritani) concernant la loi d’orientation de l’Education Nationale.
Après publication de la déclaration de la Coordination des Associations Culturelles (CAC) du 09 août 2022, il nous a paru plus que nécessaire de nous situer par rapport à cette déclaration partisane, qui glorifie les aspects dits positifs et passe presque sous silence les dangereux pièges contenus dans cette loi.
Rappelons que la CAC est composée des trois associations suivantes : l’ARPRIM, l’Association pour la Promotion de la Langue Wolof en RIM (APROLAWORIM) et l’Association pour la Promotion de la Culture et de la Langue Soninké (AMPLCS). Les décisions prises par cette coordination engagent de facto tout membre de ces trois associations culturelles, en particulier les membres de leurs bureaux exécutifs.
Tout projet porté par la coordination doit d’abord être étudié et validé par les bureaux respectifs. De ce fait, toute déclaration provenant de toute association doit prendre en compte tous les avis jusqu’à aboutir à un consensus.
Mais si les décisions prises, dans une association comme l’ARPRIM ne reflètent que les positions du président et du vice-président, et que les membres de son bureau national ne découvrent une aussi importante déclaration que sur le net, comme tout le monde, il devient impératif pour ces membres de se prononcer.
En lisant la déclaration de la CAC, il est évident que la principale préoccupation de ses rédacteurs n’est autre que de bénir et proclamer haut et fort leur adhésion totale à cette loi d’orientation.
Il est important de signaler, puisque le moment est venu, que des divergences d’approches des membres du bureau de l’ARPRIM ont marqué tout le processus, allant de la note de présentation du projet de loi publiée le 08 mars 2022 au vote de cette dernière par l’assemblée nationale le 25 juillet. Deux tendances se sont dégagées, une regroupant la majorité absolue du bureau et une autre, particulièrement le président et vice-président de l’association.
Précisons que, contrairement à ce qui se dit, les associations culturelles ne figuraient pas parmi les invités lors de la préparation des journées de concertation sur l’éducation. Il n’est nullement question de blâmer ici ces associations, mais seulement montrer le manque de considération et de respect accordés par le ministère à cette coordination qu’il veut faire passer maintenant, comme étant un interlocuteur de la première heure.
Ce n’est qu’après que la CAC ait interpellé le ministre à travers une audience accordée, que ce dernier les a invitées à prendre part à ces journées. Souligner cet aspect, loin de remettre en question la lutte acharnée et de longue haleine des associations pour la promotion des cultures et des langues nationales Soninké, Pulaar et wolof, relève plus d’une honnêteté intellectuelle et du respect vis-à-vis de nos communautés.
Après publication de la note de présentation du projet de loi, la CAC a organisé le 24 mars une conférence pour commenter la note, clarifier sa position et les perspectives à prendre. Au sein du bureau de l’ARPRIM, les deux premiers points faisaient consensus (commentaire de la note et position de l’association). Les divergences sont nées sur les perspectives à prendre pour lever les zones d’ombre et ambiguïtés contenues dans le projet de loi.
C’est à partir de cet instant que nous avons commencé à déceler une espèce de résignation soulignée à travers des arguments de types : « nous ne pouvons que demander ». Au moins 7 sur les 11 membres du bureau national de l’ARPRIM voulaient que l’association :
a- Clarifie et pointe clairement les ambiguïtés contenues dans ce projet de loi et les dangers qu’elle comporte afin que l’Etat ne se serve des associations comme bouc émissaire
b- Saisir l’opportunité, en tant qu’associations de promotion des langues pour plaider en plus des journées et des rencontres avec les autorités, diversifier nos actions, en initiant des mobilisations sur le terrain (manifestation et sit-in) pour marquer clairement nos points de désaccord avec ce projet de loi.
C’est ce dernier point qui acte le désaccord net au sein du bureau (mobilisation sur le terrain). Deux raisons principales sont avancées par le président et le vice-président pour s’y opposer :
1- « Les sections de l’association sont inactives, donc non mobilisables »
2- « Les manifestations et sit-in ne font pas partie des formes traditionnelles de luttes de l’association. »
Ces arguments étaient à notre sens, non fondés car, bien que ces trois associations soient parmi les structures phares pour l’enseignement et la promotion des langues nationales, elles ne peuvent et doivent se substituer aux communautés puisqu’elles restent avant tout et surtout des associations.
Elles n’ont pas le monopole de cette lutte, il y a des militants et militantes de la première heure pour les langues qui sont en dehors de ces associations.
Ces actions de mobilisation de terrain auraient pu constituer une opportunité pour les associations pour mieux faire connaitre le Plaidoyer qu’elles portent depuis des années auprès d’une frange élargie des populations.
Ce que les sit-in organisés par l’Organisation pour l’officialisation des Langues Nationales (OLAN) ont démontré, car bien qu’étant une structure naissante, elle a pu mobiliser des personnes qui ne connaissaient pas ces associations culturelles.
Conditionner la mobilisation à la « réactivation » des sections constituait plus une fuite en avant. Il n’est mentionné nulle part dans les textes fondateurs de l’association, l’interdiction d’organiser des sit-in et des marches, pour eux (le président et le vice-président), le seul fait d’être les plus anciens, fait d’eux les détenteurs du monopole de la vérité et les plus légitimes à décider.
L’autre argument brandi par ces derniers, c’est de dire que ces « nouvelles » formes de revendications sont « politiques ». Dès lors, à chaque fois que le projet de loi est évoqué dans le bureau, les réunions finissent par des échanges houleux et en queue de poisson, ce fut le cas de la dernière réunion (jeudi 04/08/2022). Lors de cette dernière, les points de vue autres que ceux du président et de son vice-président n’ont même pas été assignés dans le compte-rendu.
Malgré cette ambiance, nous continuions à mener correctement nos activités au sein de l’association. En étant convaincus que les objectifs sont les mêmes, mais que les approches divergent. Pour éviter toute crise fatale à l’association, en fin mars 2022, nous nous sommes joints à d’autres qui avaient la même approche que nous pour mettre en place une initiative qui nous permettrait de mener des actions que nous jugions efficaces au vu du contexte, d’où notre affiliation à OLAN.
La dernière déclaration que la coordination des associations culturelles a publiée sur la loi d’orientation, donc englobant la position de l’ARPRIM, devait prendre en compte tous les points de vue y compris ceux qui pointent clairement les aspects négatifs de la loi d’orientation, au contraire, nous avons constaté avec stupéfaction que la déclaration n’a fait que glorifier la loi en l’encensant.
Il est à préciser qu’en aucun moment les membres du bureau n’ont été informés de la prochaine publication d’une déclaration et moins encore de la décision de valider la loi et de l’accompagner.
Il est de notre devoir, nous, signataires et membres majoritaires du bureau national de l’ARPRIM, de montrer publiquement notre ferme opposition à cette déclaration publiée au nom de la CAC. Bien que cette loi prône entre autres « la réintroduction des langues nationales pulaar, soninké et wolof dans le système éducatif national », la mise en place d’une « structure chargée des langues nationales » elle comporte en son sein des points ambigus qui doivent être portés à la connaissance des populations, pour que ces dernières sachent à quoi s’en tenir. Pourquoi la dernière déclaration de la CAC n’en fait pas clairement état ? En pointant clairement des éléments comme :
– Clarifier les conditions d’enseignement des langues. Car, en lisant la loi, en son article 65, il est difficile de savoir si les langues nationales seront des langues enseignées ou des langues d’enseignement. Puisqu’il est dit clairement que « l’enseignement est dispensé en langue arabe à tous les niveaux d’éducation et de formation, aussi bien dans les établissements publics que dans les établissements privés »
– S’opposer à toute expérimentation
– S’opposer à une période transitoire, qui fera de l’arabe la seule langue d’enseignement de toutes les disciplines. En clair à une arabisation totale du système éducatif. Pour ne pointer du doigt que ces quelques exemples, il est clair que ce qui se trame, c’est une totale arabisation, alors tout celui qui accompagne cette loi dans son état actuel, accompagne cette arabisation et la déclaration publiée par la CAC va dans ce sens. Compte tenu de tout cela, il est de notre devoir de souligner auprès de l’opinion, notre total désaccord avec cette déclaration.
Les personnes signataires de cette déclaration :
1- Amadou Doulo Sow : Responsable la commission Renforcement institutionnel et organisationnel
2- Salimata BA : Responsable Plaidoyer
3- Amadou Harouna Sy : Responsable Finances et Patrimoine.
4- Haby Kébé : Responsable commission Culture
5- Doro Gueye : Responsable commission Communication
6- Aissata BA : Responsable Commission Genre
Nouakchott, le 16 août 2022