Esprit de caste

Ciré Kane – Le couple dont le mariage a été annulé n’est qu’une goutte d’eau dans l’eau.

En milieu peul, c’est une pratique bien courante à tel point qu’il y a plusieurs adages incitant l’individu à rester dans sa caste : « La vache doit être comme les autres vaches », « Le lézard avec le lézard, le varan avec le varan », « La gazelle ne saute pas et son enfant passe par en dessous »…

La liste est longue. La société maure a hérité de l’esprit des castes des noirs et le cas entre cette femme chérifienne et ce garçon griot existe bel et bien chez les noirs non arabes (peuls, soninkés, wolofs…). Donc c’est un problème de castes qui touche toutes les communautés.

Il y a quelques jours je retirais symboliquement mon nom de famille des réseaux sociaux. Ça change un peu l’attitude de certains amis virtuels. On me demande un peu moins mon village, un peu plus ma famille, on ne me confond plus avec le maire de ma commune, on rentre plus rapidement dans le vif du sujet, la discussion est plus citoyenne…

Il y aura toujours avantages et inconvénients à masquer son nom pour ne pas être catalogué féodal ou susciter, par jeu, la curiosité d’un visiteur de mon espace virtuel. La tradition africaine numérisée exige de bien recevoir ces tisseurs de toiles d’araignées.

Revenons à ce couple dont le bonheur fut de très courte durée. Mon avis? ils sauront se retrouver à Marrakech ou Dakar et la naissance d’un enfant, fruit de leur amour interdit, amènera la belle-famille à mieux respecter le gendre. Ils se transformeront eux-mêmes en ses griots. Car ils connaissent la vraie histoire des iguiw. Ce sont, pour la plupart, d’anciens guerriers amazighs (berbères), redoutables, vaincus par les beni hassan. Ils furent interdits de porter des armes et obligés à chanter les gloires du vainqueur. Avant l’ultime défaite militaire, la bataille de trop, ils étaient libres comme le vent et n’étaient pas des laudateurs. L’histoire de leur peuple brille et scintille. Oui, donner mon avis sur cette affaire n’était qu’un prétexte pour faire le griot de ces griots anciens généraux, conquérants de Marrakech et de l’Andalousie.

Dans l’immédiat, les lois de l’islam concernant les droits de la femme devraient fondre devant le droit international vu que le pays a ratifié pas mal de conventions et de traités très favorables à la femme. Mais il y a un pouvoir religieux qui tente de durcir la charia même quand elle est incompatible avec le droit international.

Comment tolérer qu’ au 3ème millénaire des femmes aient des tuteurs, dont l’absence peut annuler un mariage? C’est, parait-il, le faux alibi pour empêcher la dame de vivre avec l’homme de sa vie.

Est-ce normal que nos femmes soient emprisonnées dans leurs foyers sachant que seuls les hommes peuvent libérer leurs cous?

L’expression montre le caractère esclavagiste du mariage rompu uniquement par l’homme en enlevant la corde au cou de la pauvre mariée. Non! Chacun des deux partenaires doit pouvoir mettre fin à la relation.

Les femmes peuvent être bastonnées par leurs maris. On ne peut pas flirter entre des lois très rigides et la déclaration universelle des droits de l’homme. L’incompatibilité est manifeste et le monde musulman adapte ses lois en perpétuelle mutation pour épouser des réalités humaines très glissantes. Certains pays, comme la Mauritanie, le font par peur de sanctions internationales, d’autres n’ont jamais coupé de mains ni de têtes d’ailleurs.

En Mauritanie, des pseudo-guides injectent le venin de la division par les ethnies et les castes pour maintenir sous contrôle la population. Au profit de qui? De la junte ! Voilà pourquoi aucun général ne tente d’établir un État de droit.

Bien sûr, il ne faut pas tout imputer aux religions. Le supplice du pagne blanc, l’excision, l’abandon des épouses et bien d’autres dérives sont sociétales.

6 novembre 2022

Siree Tekruur

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