La Banque Centrale de Mauritanie, aux prises avec le désordre monétaire(2) Maître Taleb Khyar o/ Mohamed Mouloud*
Le commerce n’a jamais été un obstacle au développement des nations ; c’est lorsque l’Etat veut s’ériger en commerçant que tout se gâte ; or en Mauritanie, la présence de l’Etat dans la sphère du marché n’a jamais cessé de s’élargir depuis que la sécheresse des années 70 a soufflé de son harmattan incandescent sur les économies des pays du sahel.
A cet égard, on se souviendra de la réaction de l’éminent grammairien Léopold Sedar Senghor, alors président du Sénégal, qui va remettre au goût du jour la notion de « détérioration des termes de l’échange », pour illustrer la dépression économique durable que connaîtra le sahel suite à ce bouleversement écologique.
De son côté, maître Moctar ould Daddah, président de la Mauritanie choisissait lui, de nationaliser la MIFERMA, et de rompre les amarres avec le franc CFA, en optant pour la création d’une monnaie nationale, imputant la récession économique que traversait la Mauritanie à l’ancienne puissance colonisatrice, sans égard pour toute contingence climatique.
Depuis lors, l’Etat mauritanien n’a jamais cessé d’entraver l’investissement privé par toutes sortes de réformes vaines, et non concluantes : subventions renouvelées, répétées, de projets budgétivores inopérants qui ne créent ni richesses, ni emplois ; émergence à la chaîne de sociétés d’Etat dans une anarchie indescriptible, hausse des dépenses de transferts dans des proportions stratosphériques, nationalisations, expropriations, réglementations restrictives de la fluidité des relations commerciales avec le reste du monde ; aggravations des conditions de création du capital accentuées par l’absence d’un marché de fonds prêtables pourtant d’un grand intérêt pour un arbitrage plus équitable de l’accès au crédit, et pour la flexibilité des transactions, outre son rôle apprécié de pare- feu contre l’économie souterraine, et notamment le shadow-banking qui devient une menace imminente, et grave à l’ordre public monétaire ; réforme dégradée d’une justice, ignorant tout du droit économique et de ses disciplines voisines, accentuant le risque pays aux yeux des investisseurs nationaux et étrangers ; le tout à l’ombre d’une politique budgétaire expansionniste financée par la Banque Centrale.
Le résultat est là ! Accroissement des dépenses publiques, et donc éviction mécanique de l’investissement privé, et donc émergence d’une bourgeoisie bureaucratique, vivant d’une économie de rente entretenue à coups de déficits budgétaires financés par la Banque Centrale, entamant gravement le PIB du pays, qui le sera davantage avec l’apparition du coronavirus, et plus encore par la guerre Russo-Ukrainienne.
La prééminence prolongée de la politique budgétaire sur la politique monétaire, n’a jamais impacté favorablement l’économie d’un pays ; c’est d’ailleurs la meilleure manière de provoquer des chocs inflationnistes.
On se fait financer en levant des fonds extérieurs pour les investir dans des projets qui rapportent plus que le coût du financement.
Le bénéficiaire du financement doit se mettre en tête qu’il s’oblige à rembourser son créancier d’un montant à hauteur du principal et du bénéfice que ce créancier aurait pu percevoir d’un projet d’investissement alternatif qu’il se prive de réaliser, pour satisfaire les besoins de financement du futur débiteur ; cette approche valable pour les financements à caractère privé, l’est également pour ceux à caractère public ; dans les deux cas, l’investisseur renonce à d’autres formes de placement , encourant de la sorte un coût d’opportunité égal à la rentabilité attendue de l’investissement alternatif dont il se prive.
Or, dans les pays en voie de développement, on a tendance à s’approprier le financement obtenu, et à agir comme si on ne devait jamais rendre au créancier son dû ; on considère le financement comme un enrichissement à titre gratuit, un revenu de transfert.
Alors, on se met à construire des villas par ci, acquérir en masse du patrimoine immobilier et en quantités astronomiques du bétail par-là, se pavaner dans des voitures de plusieurs dizaines de millions dans des pays où le revenu par tête d’habitant est à peine d’un dollar….Vanité dérisoire !
Il suffit pourtant de regarder autour de soi pour s’apercevoir que la plupart des pays qui sont en défaut prolongé de remboursement des financements obtenus, sont devenus des narco-Etats, astreints à se livrer à grande échelle au trafic de stupéfiants pour faire face à leurs dépenses courantes de fonctionnement : commercialisation interne et transfrontalière de tramadol , drogues de synthèse, cocaïne………..etc .
Rapportant les effets de l’inflation bolivienne en 1985, le Wall street journal s’exprimait de la sorte : « Quand Edgar Miranda touche son traitement mensuel d’enseignant de 25 millions de pesos, il n’a pas une minute à perdre. La valeur du peso diminue d’heure en heure. Pendant que sa femme se précipite au marché pour y acheter l’approvisionnement mensuel en riz et en pâtes, il se dépêche de changer le reste des pesos de son traitement sur le marché noir », et de poursuivre plus loin « C’est un secret de polichinelle que la plupart des dollars du marché noir proviennent du trafic de cocaïne ».
A l’issue de la première guerre mondiale, l’Allemagne a financé l’indemnisation des alliés, en émettant une quantité astronomique de monnaie, occasionnant de la sorte une augmentation non moins astronomique du niveau général des prix ; on a vu le prix d’un journal passer de 2000 marks le 1°octobre à 20.000 marks le 15 octobre, puis à 1 million de marks le 29 octobre, 15 millions de marks le 9 novembre…… ; les prix ne se sont stabilisés qu’avec la mise en place d’une nouvelle banque centrale qui décidât de mettre fin au financement des dommages de guerre par de la création monétaire , ce qui d’un coup, stabilisât les prix.
D’autres exemples vous viendront sans doute à l’esprit : la Grèce des années 1941 à 1945, la Pologne des années 1922-1923…..etc.
On ne le dira jamais assez ! Toute politique d’expansion budgétaire financée par les banques centrales, est créatrice d’inflation, voire même d’hyperinflation, à moyen et long terme. Le financement de l’Etat par la Banque Centrale ne sert qu’à nourrir des pressions inflationnistes artificiellement provoquées, et entretenues par une élite politique qui s’obstine à endetter le pays, sans cause. (à suivre) .
Source:Maître Taleb Khyar Mohamed