Affaire Stormy Daniels : Trump a assisté, la mine renfrognée, à l’ouverture des débats de son procès
Le candidat républicain a dû écouter en silence l’accusation détailler comment son équipe aurait travaillé de pair avec un patron de presse à scandale pour dissimuler toute information préjudiciable à sa campagne pour l’élection présidentielle de 2016.
Donald Trump pourrait tomber pour obstruction à la justice, complot contre les institutions ou tentative d’inverser le cours d’une élection présidentielle en 2020. C’est un autre cas, cependant, qui présente le plus grand risque pour lui d’ici au scrutin du 5 novembre prochain. Des quatre procès au pénal instruits contre lui, le seul susceptible d’enrayer la campagne et le faire dégringoler dans les urnes se déroule à New York.
C’est une sombre affaire d’argent qu’il traîne comme une casserole. Lundi matin, 9h30 : l’affaire Stormy Daniels débute à Manhattan. La semaine passée a servi au tribunal pour désigner douze jurés et leurs six suppléants, sur des critères d’impartialité discutables et au nom d’une représentativité aussi grande que possible.
L’ancien président doit répondre à 34 chefs d’accusation de falsification de documents commerciaux au premier degré. Stormy Daniels, une actrice de X dont le vrai nom est Stephanie Clifford, a reçu en 2016 un versement de 130.000 dollars pour acheter son silence. Dix ans plus tôt, elle avait eu une relation consensuelle, quoique brève, avec le milliardaire lors d’un tournoi de golf à Lake Tahoe (Californie). Elle voulait vendre son histoire.
L’ex-PDG d’American Media Inc, société mère du tabloïd National Enquirer, David Pecker, a fait marche arrière : il est un ami proche de Trump, qui l’alimente en révélations grivoises depuis quatre décennies. Stormy Daniels recevra donc 130.000 dollars. Mais Trump ordonne à son avocat personnel, Michael Cohen, de payer la somme pour le couvrir. Cohen, l’exécuteur des basses œuvres du « Don », se fera rembourser en quatre fois. Toute l’affaire a été révélée en 2018 par le Wall Street Journal.
Il a fallu une éternité aux juges new-yorkais pour se jeter à l’eau mais, six ans plus tard, les faits sont établis : pour Alvin Bragg et Juan Merchan, ainsi que le procureur Matthew Colangelo, ces versements ont permis d’éviter un scandale à l’approche de l’élection présidentielle de 2016. Présentés par Trump comme de simples « frais judiciaires » payés à son avocat alors qu’ils avaient un autre destinataire, ils violent donc la loi électorale de l’État de New York.
Dans le froid matinal, une centaine de journalistes grelottants font le pied de grue au-dehors, attendant de passer au détecteur de métal et de prendre l’ascenseur jusqu’au 15e étage. Avril, ne te découvre pas d’un fil ! La salle d’audience nº1503 est sombre, exiguë et tout aussi polaire qu’à l’air libre. C’est un principe à « Gotham », l’autre surnom de Big Apple : les puissants y sont traités de la même manière que les plus modestes.
Point de boiseries claires, ni de lustres ouvragés pour les « cols blancs » traduits devant les juges. Cela n’explique guère pourquoi le chauffage marche si mal ! Les employés du tribunal, les policiers de faction sourient sous cape en observant les reporters étrangers se chauffer les mains. Question d’habitude!
«Un jour très triste pour l’Amérique»
À 77 ans, Donald Trump connaît New York comme sa poche, il y est né. Avec ses manières de parrain et son enfance dans le Queens, il est un dur à cuire, et le froid ambiant ne fait qu’assombrir son humeur. Vendredi 19 mars, à l’issue du processus de sélection des jurés, un illuminé lui a brièvement volé la vedette au prévenu en s’immolant volontairement sur le petit square devant le 80 Centre Street, le bâtiment abritant le tribunal à Lower Manhattan, tout près de Wall Street.
Revoici Trump, qui fait grise mine. Face aux caméras, cravate et costume bleus, il dénonce un procès « qui n’aurait jamais dû avoir lieu », qui l’empêche de mener correctement sa campagne dans les « États-clés », et un « jour très triste pour l’Amérique ». Jusqu’au début de l’été, il va devoir passer en moyenne quatre jours par semaine à l’audience. Il aura ses week-ends, et ses mercredi, pour faire campagne.
Sa colère s’explique : durant ces six à huit semaines, sa liberté – déjà une faveur en soi pour un procès pénal – sera toute relative. Lorsqu’il a demandé s’il pourrait assister fin mai à la remise de diplôme de son fils cadet Barron, 16 ans, le juge Merchan a répondu, agacé : « écoutez, nous verrons cela », faisant réaliser au premier intéressé qu’il ne maîtrisait plus son emploi du temps. D’autant que le sort s’en mêle : samedi soir, en Caroline du sud où il avait prévu de faire campagne, une tempête l’a contraint d’annuler un de ces rassemblements populaires dont il est friand.
La parole est au procureur Colangelo, qui invite le premier témoin, David Pecker, à revenir mardi matin, et prend date face aux jurés : « À la fin du procès, nous sommes convaincus que vous n’aurez aucun doute raisonnable sur le fait que Donald Trump est coupable d’avoir falsifié des documents commerciaux dans l’intention de dissimuler un complot illégal visant à porter atteinte à l’intégrité d’une élection présidentielle. »
Est-ce le froid piquant dans la salle qui a réveillé Trump ? Sa tête dodeline, il somnole visiblement en prenant bien soin de baisser la tête. L’ancien président dort-il réellement à son procès, ou joue-t-il du cadre pour défier les juges ? Un comble, en apparence, pour celui qui ne cesse de moquer les « absences » de son rival octogénaire Joe Biden. Demain est un autre jour : lorsque David Pecker déposera ce mardi, il aura sûrement toute l’attention de « Sleepy Don ».
Source: Le Figaro