Le Budget Présidentiel Mauritanien 2025 : Nécessaire optimisationpour le Développement National. Par Pr ELY Mustapha
Le budget de la Présidence de la République, s’élevant à 381 037 982 unités monétaires, présente des caractéristiques structurelles qui méritent une analyse approfondie au regard des standards internationaux de gestion publique et des principes islamiques de gouvernance. Cette étude examine la structure et l’allocation des ressources, en proposant des voies d’optimisation pour une meilleure efficience budgétaire.
Structure et Répartition du Budget
A. Configuration Budgétaire Générale
L’analyse de la structure budgétaire révèle une répartition particulière entre fonctionnement et investissement.
Les dépenses de fonctionnement représentent 99,2% du budget total (377 995 832 unités monétaires), tandis que l’investissement se limite à 0,8%. Cette allocation s’écarte des recommandations internationales :
· Ratio recommandé selon le FMI (2014) : 70% fonctionnement / 30% investissement en moyenne pour les pays en développement [3]
· Taux moyen d’investissement public en Afrique subsaharienne selon la BAD (2023) : 6,7% du PIB [4]
B. Analyse des Fonds Spéciaux
Les fonds spéciaux totalisent 78 800 000 unités monétaires, soit 20,7% du budget total. Un service de coordination concentre 67% de ces fonds (52 800 000). Cette proportion dépasse les normes internationales. Le Standard de transparence fiscale du FMI (2018) : plafond recommandé de 5% pour les fonds spéciaux [5]
Système de Rémunération et Structure Salariale
A. Structure des Rémunérations
Le système de rémunération présente une structure particulière :
· Salaires de base : 29 137 576
· Primes et indemnités : 78 481 075
· Dont « autres indemnités non spécifiées » : 69 478 506 (88,5% des primes)
Le ratio primes/salaire de base (269%) diffère des recommandations de la Banque Mondiale sur la gestion de la masse salariale (2022), qui suggère un plafond de 40% dans les pays à faible revenu [7].
B. Analyse des Dépenses de Fonctionnement
Certaines dépenses méritent une attention particulière :
· Communication : 15 121 982 (dont 8 000 600 en honoraires)
· Entretien des espaces verts : 10 200 000
· Carburant : 9 532 676
· Missions intérieures : 5 500 000
· Télécommunications : 9 076 040
Ces montants pourraient être optimisés selon les standards internationaux de gestion publique.
Architecture Institutionnelle et Organismes Rattachés
La réforme de ces organismes devrait s’inscrire dans une refonte plus large de l’architecture institutionnelle de l’État. Il s’agit de passer d’un modèle présidentiel hypertrophié à une organisation plus équilibrée et plus efficiente. Cette transformation permettrait non seulement des économies substantielles mais aussi une amélioration de la gouvernance publique.
Le rattachement de ces organismes à la Présidence apparaît aujourd’hui comme un héritage institutionnel coûteux et peu efficace qu’il convient de repenser pour une allocation optimale des ressources publiques.
Le Bureau de Communication, doté de 15,1 millions, apparaît comme une structure particulièrement dispendieuse. Les 8 millions d’honoraires et le million de dépenses publicitaires sont peu compatibles avec les réalités d’un pays en développement.
La Direction Générale de la Sécurité Extérieure et de la Documentation dispose d’un budget de 53,5 millions, dont 43,7% sont classés en fonds spéciaux. Cette opacité budgétaire, bien que partiellement justifiable par la nature des missions, atteint des proportions excessives. Les 16,2 millions d' »autres achats non spécifiés » ajoutent une couche supplémentaire d’opacité à revoir et ajuster pour une meilleure transparence de gestion des fonds publics.
L’IGE devrait être transformée en une autorité véritablement indépendante, garantissant ainsi l’impartialité de ses contrôles. Les services de sécurité gagneraient à être intégrés dans une architecture sécuritaire cohérente et unifiée. La communication présidentielle pourrait être rationalisée et redimensionnée selon les besoins réels.
Avec ses 26,7 millions de budget, l’Etat-Major Particulier constitue un exemple frappant de duplication administrative. Son budget, exclusivement consacré au fonctionnement, révèle des dépenses difficilement justifiables : 4,2 millions pour le carburant, 9,5 millions d' »autres entretiens non spécifiés ».
Cette structure, qui devrait logiquement relever du ministère de la Défense, illustre la tendance à la multiplication des services contraire à la bonne gestion des structures sécuritaires et de défense.
Une réorganisation en profondeur, guidée par les principes d’efficience et de bonne gouvernance, permettrait de substantielles économies tout en améliorant le fonctionnement de l’État. Cette réforme constituerait un signal fort de modernisation de la gouvernance publique.
A. Structure Organisationnelle
L’analyse des organismes rattachés à la Présidence révèle une architecture institutionnelle mobilisant environ 177 millions d’unités monétaires (46,5% du budget présidentiel).
B. Répartition par Entité
· IGE : 81,6 millions
· Direction Générale de la Sécurité Extérieure : 53,5 millions
· État-Major Particulier : 26,7 millions
· Bureau de Communication : 15,1 millions
Opportunités d’Optimisation et Recommandations
A. Potentiel d’Économies
Une rationalisation du budget permettrait d’économiser environ 127 248 645 unités monétaires, soit 33,4% du budget actuel. Ces économies pourraient être réalisées par :
· Ajustement des fonds spéciaux (-55 160 000)
· Normalisation du système de primes (-47 088 645)
· Optimisation des dépenses de fonctionnement (-25 000 000)
B. Propositions de Réallocation
Ces économies permettraient de financer :
25 centres de santé en zones rurales
50 écoles primaires
100 projets d’accès à l’eau potable
200 projets agricoles communautaires
Impact Social des Économies Potentielles
Et conformément aux standards internationaux, les économies identifiées (127 248 645) représentent :
Le coût de scolarisation de 12 724 enfants pendant un an [12]
La construction de 63 centres de santé ruraux [13]
L’accès à l’eau potable pour 254 497 personnes [14]
Recommandations pour une Réforme Progressive
Mesures Immédiates
· Alignement des fonds spéciaux sur les standards internationaux (5%)
· Harmonisation des primes avec les recommandations (40% du salaire)
· Optimisation des dépenses de communication
· Rationalisation des dépenses de fonctionnement
Réformes Structurelles
· Restructuration administrative pour éliminer les doublons
· Mise en place d’un système de contrôle transparent
· Digitalisation des processus administratifs
· Rationalisation des services de sécurité
Perspective Éthique et Gouvernance
Selon l’éthique islamique, la gestion du budget présidentiel devrait s’articuler autour de trois principes fondamentaux. La modération (Wasatiyyah) exige une réduction substantielle des dépenses excessives, tout en établissant un équilibre judicieux entre les besoins réels et les ressources disponibles, conformément au principe de la voie médiane prôné par l’Islam.
La transparence (Amanah), pilier essentiel de la gouvernance islamique, nécessite l’élimination des fonds non justifiés, accompagnée d’une publication régulière et détaillée des comptes, ainsi que la mise en place d’un système de contrôle public rigoureux des dépenses.
Le principe de justice (Al-Adl) impose quant à lui une réorientation majeure des ressources vers les besoins sociaux prioritaires, garantissant une distribution équitable et accordant la primauté aux nécessités fondamentales de la population.
Les économies potentielles identifiées, s’élevant à 127 248 645 unités monétaires, pourraient être réallouées selon les cinq objectifs fondamentaux de la Charia (Maqasid), assurant ainsi une gestion conforme aux principes islamiques.
Cette redistribution permettrait de financer la construction de centres d’éducation pour la protection de l’enfance, l’établissement de centres de santé pour la préservation de la vie et le bien-être des populations, le développement d’écoles et d’universités pour le progrès scientifique, la mise en place de programmes pour la protection de la famille, et le lancement de projets économiques durables pour l’emploi.
Cette approche holistique garantirait une utilisation des ressources publiques en parfaite harmonie avec les valeurs islamiques et les besoins réels de la société.
En conclusion, l’analyse du budget de la Présidence révèle des opportunités significatives d’optimisation. Une réforme progressive, basée sur les standards internationaux et les principes de bonne gouvernance, permettrait d’améliorer l’efficience budgétaire tout en renforçant l’impact positif sur le développement national.
Pr ELY Mustapha
Références
1. Banque Mondiale (2022). « Poverty and Shared Prosperity 2022: Correcting Course ». Washington, DC: World Bank. doi: 10.1596/978-1-4648-1873-7
2. World Health Organization (2022). « Global Expenditure on Health: Public Spending on the Rise? ». Geneva: WHO. WHO/HIS/HGF/HFWorkingPaper/22.1
3. International Monetary Fund (2014). « Government Finance Statistics Manual 2014 ». Washington, D.C.: IMF – ISBN: 978-1-49834-376-3
4. Banque Africaine de Développement (2023). « Perspectives économiques en Afrique 2023 : Mobiliser le financement du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique ». Abidjan: BAD- ISBN: 978-9-38388-650-2
5. International Monetary Fund (2018). « Fiscal Transparency Handbook ». Washington, D.C.: IMF – ISBN: 978-1-48432-236-2
6. UNESCO (2022). « Global Education Monitoring Report 2022: Gender Report, Deepening the Debate on Those Still Left Behind ». Paris: UNESCO – ISBN: 978-92-3-100509-6
7. World Bank Group (2022). « Wage Bill and Public Sector Employment Management: Selected Challenges and Reform Options ». Washington, DC: World Bank – doi: 10.1596/978-1-4648-1876-8
8. UNICEF & UNESCO Institute for Statistics (2022). « Teacher Policy Development Guide ». New York: UNICEF – ISBN: 978-92-806-5333-7
9. World Health Organization (2022). « Global Vaccine Market Report 2022 ». Geneva: WHO
WHO/IVB/2022.1
10. UNDP (2022). « Human Development Report 2021/2022: Uncertain Times, Unsettled Lives: Shaping our Future in a Transforming World ». New York: UNDP – ISBN: 978-92-1-126451-1
11. World Bank Group (2022). « Groundswell Africa: Internal Climate Migration in West African Countries ». Washington, DC: World Bank – doi: 10.1596/978-1-4648-1742-6
12. UNESCO Institute for Statistics (2022). « SDG 4 Data Digest 2022: National Education Accounts, Going Further Together ». Montreal: UIS – ISBN: 978-92-9189-276-1
13. World Health Organization (2022). « Primary Health Care Operational Framework ». Geneva: WHO WHO/UHC/PHC/2022.1
14. World Bank Group (2022). « Water Global Practice: Annual Report 2022 ». Washington, DC: World Bank
Note Méthodologique :
– Les analyses comparatives s’appuient sur les taux de change moyens et les indices de parité de pouvoir d’achat de la Banque Mondiale (2023). Les coûts de référence proviennent des bases de données des organisations internationales citées.
Source:Pr Ely Mustapha