Le dialogue national, un tournant décisif pour l’unité et la paix
« La grandeur d’une nation réside dans sa capacité à se réconcilier et à avancer ensemble» Nelson Mandela
Dans un pays où les vents du changement soufflent fort, mais rarement dans la même direction, le dialogue national en Mauritanie s’apparente à une bouée de sauvetage jetée dans une mer agitée.
Mais cette initiative est-elle réellement la clé d’une réconciliation durable ou n’est-ce qu’une nouvelle tentative d’éviter les vraies questions qui rongent notre tissu social et politique ? Récemment, plusieurs figures politiques ont insisté sur l’urgence d’un dialogue inclusif. Un besoin d’autant plus pressant face aux tensions sociales, à la crise économique, aux fractures identitaires et à une jeunesse en quête de repères.
Le président du parti INSAF, M. Sid’Ahmed Ould Mohamed, affirme que « le dialogue n’est pas une question matérielle, mais une rencontre pour discuter des questions essentielles ». Une belle déclaration, mais à quel prix ? Derrière ces mots se cache une réalité bien plus complexe qu’un simple échange entre partis politiques.
En 2022, un premier dialogue national avait été annoncé avec l’espoir de tracer une nouvelle voie. Pourtant, il a rapidement échoué parce qu’il a exclu une partie de la classe politique, notamment certains leaders d’opposition, mais aussi des acteurs de la société civile et des figures indépendantes. Pire encore, aucune réforme significative n’en a découlé, et les conclusions de ces discussions sont restées lettre morte.
Ce fiasco a renforcé la méfiance envers un processus qui, au lieu d’apaiser les tensions, a contribué à les raviver. Il est donc impératif de ne pas reproduire les erreurs du passé et d’ouvrir enfin un dialogue qui ne soit pas une simple formalité politique, mais un véritable projet de réconciliation nationale.
Comme beaucoup de pays africains, la Mauritanie porte en elle des contradictions profondes : une histoire marquée par des conflits internes, des fractures sociales , la marginalisation de certaines populations et la gestion élitiste du pouvoir pèsent encore lourd.
Trop souvent, les dialogues passés n’ont été que des mises en scène où les priorités du peuple passaient après les calculs des élites. Cependant, il serait dangereux de tout mettre sur le dos du gouvernement. L’opposition aussi a une responsabilité historique dans la préservation du vivre ensemble et la consolidation de la paix. Une partie d’elle a trop souvent privilégié la radicalisation du discours, jouant sur les peurs et les frustrations pour mobiliser.
Or, le rôle de l’opposition ne doit pas être uniquement d’exprimer le mécontentement, mais de proposer une alternative crédible et constructive. Une opposition qui ne pense qu’à déstabiliser finit par desservir ceux qu’elle prétend défendre.
Dans ce contexte, il est impératif que la majorité silencieuse, celle qui aspire à l’unité, à la paix et au développement, sorte de son mutisme. La Mauritanie ne peut se résumer à une confrontation entre le pouvoir et son opposition.
Si les extrémistes et les populistes occupent trop de place dans le débat public, c’est aussi parce que ceux qui croient au vivre ensemble sont trop souvent absents du terrain. Il est temps que les forces vives du pays – intellectuels, chefs religieux, syndicats, acteurs de la société civile – s’impliquent activement. Ce dialogue ne doit pas être un énième rendez-vous manqué où les ambitions personnelles prennent le pas sur l’intérêt général. Il doit être l’occasion de rassembler, d’inclure et surtout de réconcilier.
Lorsqu’un chef d’État convoque un dialogue, ce n’est pas un geste anodin. C’est un appel à la responsabilité nationale. L’unité de la Mauritanie est un bien trop précieux pour être laissé aux mains des extrémistes et des opportunistes. Si les défenseurs du vivre ensemble ne se mobilisent pas aujourd’hui, demain il sera trop tard.
L’histoire regorge d’exemples de nations qui se sont effondrées non pas à cause de leurs ennemis, mais par la passivité de ceux qui auraient pu les sauver. En mai 2023, le gouvernement a annoncé une réforme politique pour redéfinir les bases de la gouvernance. Une initiative louable, mais qui semble parfois déconnectée des réalités du terrain.
Modifier un code électoral ne suffit pas à combler les fractures sociales. Les jeunes, qui représentent plus de 60 % de la population, attendent bien plus qu’une réforme institutionnelle : ils veulent un véritable changement de paradigme où leurs voix comptent enfin.
Aujourd’hui, nous sommes à un tournant décisif. La Mauritanie est une embarcation fragile qui ne peut se permettre de tanguer sous les vents violents du populisme et de la division. Ceux qui attisent les flammes de la haine, jouant avec les peurs et les frustrations, espèrent nous voir sombrer dans le chaos.
Mais devons-nous leur laisser la barre ? L’histoire nous a appris que les nations qui se construisent sont celles qui refusent d’être les jouets des colporteurs de haine. Ce dialogue est une opportunité de bâtir un avenir commun où chaque Mauritanien, quelle que soit son origine, trouve sa place.
Il appartient désormais à chaque citoyen, chaque leader, chaque acteur de la société de se lever et de refuser la fatalité. L’heure est à la mobilisation, à l’engagement et au sursaut patriotique. L’unité nationale ne se décrète pas, elle se construit, pierre après pierre, par le dialogue et la volonté de dépasser les clivages artificiels.
Nous avons trop souffert des divisions. Nous avons trop vu notre avenir être hypothéqué par ceux qui prospèrent dans la discorde. La Mauritanie est une et indivisible, et elle le restera si nous, ses fils et filles, refusons de tomber dans le piège de la haine et du rejet de l’autre.
Source:Mansour Ly