La dynamique de souveraineté au Sahel face au péril démocratique

Dans un contexte où les États africains cherchent à se libérer du poids des anciennes puissances coloniales, une dynamique de souveraineté se dessine en Afrique, particulièrement dans la région du Sahel.

Les récents développements, notamment l’opération conjointe des armées de la Confédération des États du Sahel (AES), mettent en lumière une volonté forte de renforcer les capacités régionales, notamment face aux menaces terroristes et aux ingérences extérieures. L’Afrique, et spécifiquement le Sahel, a longtemps été perçue comme une zone où la présence française jouait un rôle central dans la lutte contre les groupes armés terroristes.

Cependant, après des années de coopération marquée par des ambivalences, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer une indépendance stratégique, une autonomie militaire et une redéfinition des relations avec les puissances extérieures, y compris la France.

Aujourd’hui, l’initiative de la Confédération des États du Sahel (AES) offre une alternative à ce modèle. La coopération entre les pays du Sahel — le Mali, le Niger, et le Burkina Faso — a permis une approche commune pour renforcer la sécurité dans cette région cruciale, où la menace terroriste est omniprésente. Ces pays se sont unis, mettant en place des stratégies militaires coordonnées et des échanges de renseignements renforcés, tout en évitant les failles qui ont souvent permis aux groupes terroristes de se déplacer sans entrave.

Le 28 mars 2025, une opération militaire symbolique a marqué un tournant, lorsqu’un convoi de terroristes a été intercepté grâce à une collaboration sans précédent entre les forces sahéliennes. L’opération, rendue possible par des renseignements précis et des moyens technologiques avancés, a montré que la guerre moderne ne se gagne pas uniquement par des frappes militaires, mais aussi par le contrôle des informations, des flux logistiques et des territoires.

Wagner : une solution éphémère aux défis du Sahel

Le retrait progressif des forces françaises, longtemps un pilier de la stratégie antiterroriste en Afrique, a été accompagné de l’arrivée du groupe paramilitaire Wagner, qui s’est installé pour combler le vide. Cependant, cette nouvelle alliance n’est pas sans conséquence pour les populations locales. Loin de garantir une victoire rapide contre le terrorisme, la présence de Wagner dans la région semble avoir exacerbé les souffrances des civils. Les attaques menées par des groupes armés se sont intensifiées, et les communautés sans défense sont devenues des cibles faciles.

Dans ce contexte, la guerre menée contre le terrorisme dans le Sahel ne se résume pas à une simple question de domination militaire. Au contraire, elle met en lumière les défis colossaux auxquels les États du Sahel doivent faire face : maintenir l’unité interne tout en résistant à l’ingérence étrangère, assurer la sécurité de leurs citoyens tout en évitant les abus de pouvoir et la répression aveugle.

Le défi d’une souveraineté affranchie du joug colonial

La sortie de la France du Sahel et la montée en puissance de l’AES offrent un espoir de souveraineté retrouvée, mais les défis restent immenses. Le Sahel doit apprendre à naviguer entre ses propres ressources et l’influence de puissances étrangères. Le vrai test pour ces États sera de parvenir à garantir une sécurité durable tout en préservant les droits des populations locales. L’attaque des racines logistiques des groupes terroristes, menée par l’AES, est un premier pas dans cette direction. Mais il faut également s’attaquer à la racine du problème : les fractures sociales, l’exclusion, et la gouvernance fragile.

Loin d’être une simple victoire militaire, cette dynamique de souveraineté soulève des questions cruciales sur la manière dont les États africains, aujourd’hui plus que jamais, devront s’affirmer sur la scène internationale. Et si l’avenir semble prometteur, le chemin reste semé d’embûches, car la véritable bataille reste celle de l’harmonie sociale et de la stabilité interne face à un contexte mondial de plus en plus complexe.

Ainsi, l’Afrique, et en particulier le Sahel, se trouve à un carrefour historique. Le processus de décolonisation n’est pas uniquement politique, il est aussi militaire et stratégique. Cependant, la victoire contre le terrorisme et les ingérences extérieures ne pourra être célébrée tant que les populations continuent à souffrir des violences quotidiennes. C’est là que réside le défi : une souveraineté qui doit d’abord protéger les vies humaines avant tout.

L’ombre d’un autoritarisme grandissant

Cette dynamique de souveraineté, pourtant porteuse d’espoir, a toutefois du mal à occulter une réalité inquiétante : la volonté de certains régimes au Sahel de confisquer les libertés et de conserver le pouvoir à tout prix. En effet, si la région aspire à une véritable autonomie, à l’indépendance face aux anciennes puissances coloniales, elle se heurte également à un défi interne majeur : la consolidation des régimes autoritaires, qui freinent les aspirations démocratiques des populations.

Dans certains cas, les gouvernements au pouvoir préfèrent recourir à des méthodes répressives pour maintenir leur emprise sur le pouvoir plutôt que de favoriser des transitions démocratiques réelles. La volonté de rétablir la souveraineté nationale semble parfois se traduire par des manœuvres politiques visant à limiter la participation civile et à empêcher le retour au pouvoir par les urnes. Ces régimes, parfois soutenus par des acteurs extérieurs, prennent prétexte des menaces sécuritaires pour justifier leur refus d’instaurer des processus démocratiques ouverts et inclusifs.

Cette réalité complexe souligne un paradoxe majeur : alors que la souveraineté nationale est revendiquée, l’espace politique interne se rétrécit. Le défi pour les pays du Sahel sera donc de parvenir à concilier souveraineté et démocratie, en préservant les acquis de la lutte contre le terrorisme sans sacrifier les libertés fondamentales des citoyens.
Source:Le Rénovateur Quotidien-Mauritanie

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