Mort d’Awa Traore, un homicide de trop qui révolte les Mauritaniennes sur la durée

Un féminicide de trop ! Et c’est celui d’Awa Traoré, une jeune femme mauritanienne de 18 ans, dont le corps sans vie a été découvert dans une maison située à El Mina, un quartier populaire de Nouakchott le 29 mai dernier. Elle avait disparu depuis la veille, après avoir quitté sa mère à la suite d’un appel vidéo reçu d’une amie.

Awa, entrepreneure dynamique, mère d’un enfant d’un an et récemment mariée, a été violée, assassinée, puis abandonnée nue et enroulée dans un tapis, un ventilateur dirigé vers elle. Son corps en état de décomposition témoigne de la cruauté du crime et du temps écoulé sans intervention.

Le plus choquant reste l’appel reçu par la famille le lendemain de sa disparition, émis par l’auteur présumé du crime, qui a cyniquement indiqué le lieu où se trouvait le corps, lançant une menace à l’époux de la victime.

Malgré l’urgence et la gravité du drame, les forces de l’ordre et le parquet ont brillé par leur lenteur et leur absence. La police est intervenue tardivement, et le procureur attendu n’était toujours pas présent sur les lieux plusieurs heures après l’appel. Ce n’est qu’à 23h que les pompiers ont été mobilisés pour transporter le corps à l’hôpital de l’Amitié, où il est resté en attente d’autopsie et de décisions judiciaires.

Dans un communiqué, l’ONG Femme et Résilience pour les droits Humains en Mauritanie a qualifié le meurtre d’odieux. Elle a dénoncé avec la plus grande fermeté : « crime ignoble à l’encontre d’une jeune femme innocente. Le silence inacceptable et la négligence des autorités judiciaires et policières, l’absence de protection réelle des femmes face aux violences sexuelles et aux féminicides.

L’ONG a en outre appelé à l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante et transparente, à l’arrestation rapide et au jugement exemplaire de l’auteur de ce crime, ainsi qu’à une réforme profonde des procédures de prise en charge des violences faites aux femmes en Mauritanie.

« La vie de Awa Traoré ne doit pas s’ajouter à la longue liste des femmes sacrifiées dans l’indifférence. Nous demandons justice. Nous exigeons des réponses’’, s’est insurgée la même source.

La Mauritanie championne de l’impunité face aux VBG ?

Et pourtant, ce n’est pas un cas isolé. Depuis plusieurs années, la Mauritanie est le théâtre silencieux d’une tragédie : les violences sexuelles et les meurtres de femmes se multiplient, tandis que l’État reste sourd. La peur s’installe. L’impunité prospère.

En 2024, 366 cas de viols ont été enregistrés par l’Association Mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME). Parmi eux, 225 concernent des filles mineures. Dix-huit de ces viols étaient collectifs.

En 2021, elles étaient 336 victimes à avoir survécu à l’horreur. Et combien d’autres n’ont jamais pu parler ?

Le pays a pourtant ratifié la Convention pour l’élimination des discriminations envers les femmes (CEDAW) en 2001. Mais à quoi sert une signature si les lois n’existent pas ? Le projet de loi « Karama », censé criminaliser le viol et les violences basées sur le genre, est bloqué depuis 2016. Huit ans de silence parlementaire. Huit ans d’inaction politique. Huit ans de trop.

Pire encore : porter plainte, c’est risquer d’être poursuivie. En Mauritanie, une victime de viol peut être accusée de « relations hors mariage ». Une double peine. Une double injustice.

Hawa est fille, sœur, amie, épouse, nièce, voisne. Elle avait droit à la vie, à la dignité, à la sécurité. Elle a trouvé la mort dans l’abandon, comme tant d’autres. Ce qui lui est arrivé n’est pas un fait divers. C’est un féminicide. Un de plus. Un de trop.

Pendant que les bourreaux agissent sans crainte, l’État hésite. Pendant que les lois dorment, les victimes sont enterrées. Pendant que la société regarde ailleurs, les femmes tombent.
Source:Afriquinfos

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