Éditorial : Présentation de la DPG par le premier ministre : Du déjà-vu

Initiatives News – Dans un discours fleuve de 25 pages, le Premier Ministre, Mohamed Ould Bilal Messoud, a présenté ce week-end la déclaration de politique générale du gouvernement(DPG) devant le parlement nouvellement élu.

Aussi bien sur le plan de la forme que du contenu, ce discours donne une impression de déjà vu et aborde tous les aspects de la vie nationale. Et comme toujours ce discours renferme beaucoup de promesses et autres souhaits qui nécessitent plus d’engagement et d’esprit d’initiative pour qu’elles passent du statut de vœux pieux à celui de réalisations concrètes qui pourraient avoir un impact positif sur le vécu quotidien des populations.

Les actions prioritaires du gouvernement dans le court terme se résument comme suit telles que énumérées par le Premier ministre : Intensifier les actions pour faire avancer rapidement la concrétisation de l’école républicaine dont la première année a été une réussite ;Continuer à mettre en œuvre le plan d’actions sur l’équité, la citoyenneté et la cohésion sociale, connu sous le nom de “Plan INSAF”du Président de la République ;Rapprocher davantage l’administration des citoyens par l’usage des outils numériques; Œuvrer à assurer l’autosuffisance en produits alimentaires de base; Atténuer la migration irrégulière des jeunes à l’étranger; Accélérer le rythme d’exécution des projets et programmes.

On note qu’au sujet du premier point, la mise en œuvre de l’école républicaine qui a accusé un sacré retard, peine toujours à se réaliser du fait de l’improvisation de la politique éducative et de l’instabilité gouvernementale.

Le ministère de l’éducation fait ainsi figure de laboratoire à ciel ouvert où chaque ministre vient expérimenter sa vision clé en main. Et vu l’état des infrastructures scolaires, le manque chronique de manuels scolaires et de matériel didactique, le déficit d’enseignants, la détérioration constante des conditions de travail et de vie de ces derniers et l’agitation permanente des syndicats de l’enseignement qui réclament la satisfaction de leurs plateformes revendicatives, tout cela freine le démarrage effectif et sur de bonnes bases de l’école républicaine. Et la nouvelle loi d’orientation avec le problème inextricable de l’enseignement des langues nationales est venue compliquer davantage la situation.

S’agissant du second point qui concerne la mise en œuvre du plan INSAF, le chemin à parcourir est parsemé d’embûches. Le citoyen lambda peine toujours à accéder à ses droits les plus élémentaires du fait de l’interventionnisme et de la politique des bras longs qui exclut les couches les plus vulnérables.

L’autosuffisance alimentaire demeure toujours à l’état de slogan malgré les stratégies et les gros moyens mis en œuvre dans ce domaine. Les plans ambitieux programmes annoncés à l’occasion de la pandémie de la Covid et les moyens mobilisés sont tombés à l’eau.

Le gouvernement avait promis l’autosuffisance en légumes et la mise en place d’infrastructures durables de froid, etc.

Autre point important souligné par le premier ministre, l’atténuation de la migration irrégulière des jeunes à l’étranger et l’accélération du rythme d’exécution des projets et programmes, là aussi il s’agit d’un aveu d’échec. En effet, des milliers de jeunes mauritaniens poussés par le désespoir et l’absence de soutien gouvernemental et de perspectives d’une vie décente ont été contraints d’emprunter les sentiers dangereux de l’émigration clandestine.

L’offre d’emplois est telle que ces jeunes ont été contraints de choisir les chemins de l’exil, une option étonnante quand on sait que le pays regorge de potentialités et d’opportunités qui ne demandent qu’à être bien exploités et encadrés par une politique efficace et pragmatique d’emploi.

Le président Ghazouani avait promis de débloquer annuellement 50 milliards d’ouguiyas en faveur de l’emploi des jeunes. Où est passée cette manne ?

Malheureusement cette politique vogue à contre-courant avec la prise de décisions parfois improvisés et contreproductives.

C’est le cas par exemple avec l’interdiction de restreindre le champ d’action des taxis tricycles, les fameux tok tok. En effet ces taxis dont l’introduction et la gestion émanent d’initiatives privés ont non seulement contribué à régler le problème du transport dans la capitale mais ont permis d’insérer des milliers de jeunes dans la vie active.

Autre décision impopulaire en vue, celle consistant à faire déguerpir des dizaines de milliers d’orpailleurs d’une vingtaine de sites au niveau de Sakina dans les parages de la mine exploitée par la société Tasiast qui revendique un périmètre de 25 km. Ayant investi sur ce site où ils sont présents depuis 7 ans et où leur présence était légalisée, les orpailleurs ont été sommés sans préavis logique par le wali de Nouadhibou sous couvert du ministère de l’intérieur d’évacuer la zone avant le 1er Août.

Il s’agit là d’une vraie catastrophe humanitaire qui s’annonce. Ce sont là en effet des milliers d’emplois qui sont menacés.

Ce problème pose la question des contrats miniers et la voracité des multinationales.

Sur les grands problèmes ayant trait à l’accès des populations à l’eau, à l’électricité, à la santé, la sécurité, la justice et autres services sociaux de base, le programme du premier ministre n’apporte rien de nouveau et se limite aux programmes déjà annoncés et qui tardent à voir le jour.

Sur la lutte contre la corruption, autre question cruciale, le premier ministre ne s’est pas étendue et est restée dans des généralités.

L’inspection générale de l’État, la Cour des comptes et les autres institutions de contrôles brillent par leur absence au moment et ce au moment où les ressources de l’État sont gérées dans l’opacité la plus totale.

Sur la professionnalisation du secteur des médias et la réforme tant attendue, le premier ministre n’a pas été non plus, plus loquace.

Étonnant quand on sait que la presse indépendante est aujourd’hui réduite à sa plus simple expression et se débat dans les problèmes ;

Et, au niveau de la presse publique, seule l’Agence Mauritanienne d’Information(AMI) semble tirer son épingle du jeu avec la mise en œuvre d’un statut pour le personnel, la publication régulière d’un magazine mensuel de qualité(édité en arabe et en français) et la construction d’une salle de presse de haut niveau pour abriter les points de presse du gouvernement.

Enfin concernant le volet politique le premier ministre a promis la poursuite de l’apaisement du climat politique. Mais reste à savoir si après les couacs des dernières élections les acteurs politiques vont suivre.

Bakari Gueye

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