SAHEL: Le risque d’une nouvelle guerre par Sidi Ahmed Scheine
Et c’est là où se situe la honte, la grande honte de voir des dirigeants octogénaires arrivés au crépuscule de leur vie, en panne sèche de sagesse, prendre des initiatives qui compromettent la vie et l’avenir de leurs compatriotes pour des générations à venir. Le comble c’est que la chronique de l’intervention militaire annoncée est, point de doute, échafaudée et financée par des puissances en dehors de l’Afrique, soucieuses uniquement de la préservation de leur intérêt que constituent les ressources du continent. Dont certains fils, fussent-ils premiers responsables de leurs pays, s’arrogent tous les droits pour se porter maîtres d’œuvre de ce néfaste projet.
Or ceux au nom desquels ils tournent le fusil contre leurs peuples et eux-mêmes, se fichent pas mal de leur pays comme de leur démocratie bananière. Ces impérialistes jamais repus se moquent en fait du teint basané de Bazoum, pas plus que leurs “bons élèves “ Ghazouani et Macky Sall ne leur inspirent une indulgence particulière. Tout ce qui compte à leurs yeux c’est comment se porte la saison du cacao en Côte d’Ivoire, de l’arachide le long du Sine Saloum, du cours du fer de Zoueratt ou encore l’exploitation sauvage de l’uranium nigérien. Est-ce une aberration que de demander à des gens normaux, intellectuellement s’entend, de faire des efforts pour comprendre la duplicité de ces partenaires à sens unique?
Les occidentaux et leurs partenaires insistent visiblement à transférer au Sahel la guerre qu’ils peinent à gagner ailleurs. Obsédés à ne pas se faire supplanter par l’influence et l’hégémonie de ce nouveau partenaire stratégique qu’est la Russie de Poutine. Le dernier sommet Russie-Afrique a irrité certains. Aujourd’hui le Sahel risque de se transformer en un champ de bataille dont la chair à canon sera volontairement des armées africaines. Les occidentaux ne reculeront devant aucune manœuvre machiavélique pour conserver leur chasse gardée. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’en désespoir de cause notre ex-puissance coloniale fit fort ces derniers temps pour s’attirer la mansuétude de l’Amerique à l’accompagner dans cette campagne sahélienne.
A cet effet des médias propagandistes sont mis à contribution pour amplifier et assaisonner les quelques timides bouts de phrases du diplomate américain Blinken qui semble se tirer d’affaire dans cet exercice rendu en français bancal ou pas. Peu aussi importe l’accent, tous les mots ayant leur sens dans cette guerre tout aussi médiatique. L’ essentiel était plutôt de bénéficier de l’onction un tant soit peu symbolique du Big Brother pour lancer une opération périlleuse à tout point de vue. Ce viatique en poche et surtout le “nous pas bouger” des conquérants français de Barkhane à Niamey eurent de quoi donner des ailes à l’élan des extrémistes de la Cedeao, eux dont la hardiesse fut temporairement mise à mal par le coup de frein de la “locomotive nigériane” suite à une désapprobation d’une partie de ses sénateurs. La bande des jusqu’au-boutistes a-t-elle le droit d’outrepasser ses prérogatives à faire fi de l’existence du parlement dans leurs pays respectifs? Ces peuples devront-ils accepter que l’on fasse cette probable guerre de la honte en leur nom?
Hier le président ivoirien avait cru bon d’insister sur cette “guerre collective” de la Cedeao. “Ce n’est pas la guerre de la Côte d’Ivoire ni du Benin…” a-t-il précisé. Un détail certainement destiné à ceux des belligérants qui s’hasarderaient à lancer une opération punitive contre son pays. Le message est facile à décoder. Mais comme il n ‘existe jamais une guerre propre alors il vaut mieux ne pas l’entamer. Car même si Bazoum venait à être recollé à son fauteuil présidentiel au bout des canons ou par le biais de l’arbre à palabres plus rien ne sera comme par le passé. Pour le pays d’abord, ensuite pour l’avenir de la Cedeao qui s’est déjà mis le doigt là où il ne faut pas.
Enfin la France particulièrement aura atteint le sommet de son dégoût auprès d’une large proportion de l’opinion africaine dans cette zone qu’elle considérait toujours comme son grenier. Visiblement cette partie d’Afrique au sous-sol très riche suscite la convoitise de la Russie encore méconnue des populations. La campagne de dénigrement continue ne cesse d’amplifier le sentiment anti français en Afrique et quel sera donc le prochain pays francophone qui tournera son regard vers le Kremlin?