L’exception sénégalaise. Par maître Taleb Khyar ould Mohamed Mouloud*

« Paris ! Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré ! » ; c’est au Général de Gaulle que l’on doit cette envolée lyrique dans un discours qui a fait date, au lendemain de la libération.

On pourrait avoir les mêmes égards pour la démocratie sénégalaise, qui est restée stoïque, héroïque, bien qu’elle fut ballotée, secouée, menacée, mise en danger, martyrisée lors des dernières élections présidentielles ; mais victorieuse.

C’est grâce à cette démocratie vigoureuse, que les chefs d’Etat sénégalais, ont tous connu des parcours que l’on peut qualifier d’atypiques, en comparaison avec ceux largement partagés par leurs homologues dans la sous-région, et même au-delà.

Dans le titre de son ouvrage, intitulé « Du palais à la prison من القصر إلى الأسر » , l’ancien président de Mauritanie, Mohamed Khouna ould Haidala, a résumé en quelques mots, le parcours de la plupart des chefs d’Etat africains, qui se retrouvent tous à un moment ou à un autre, derrière les barreaux.

Tel fut le destin de maître Mokhtar ould Daddah, fondateur de la Mauritanie ; de Moustapha Mohamed Salek qui lui a succédé, de Haidala que je viens de citer, suivi en cela par Maaouya ould Sid ‘Ahmed Taya, du fait de son exil forcé ; liste à laquelle, il faut ajouter Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, puis Mohamed ould Abdel Aziz, dont le sort n’est pas plus enviable que celui de ses prédécesseurs.

Tous les chefs d’Etat qui ont dirigé la Mauritanie, ont tous séjourné en prison, à l’exception de Ely ould Mohamed Vall, Mohamed Mahmoud Ahmed Louly, dont le règne fut plutôt protocolaire, comme d’ailleurs celui de Ba Mamadou M’Baré.

Le passage à la case prison des chefs d’Etat n’est pas une exception mauritanienne ; on peut même affirmer , que dans les pays du Sahel, c’est une étape obligée pour tous les anciens présidents ; et que cela continue de faire jurisprudence, sauf au Sénégal, où l’alternance pacifique au pouvoir a survécu, des indépendances à nos jours, à toutes les tempêtes politiques.

Le président Léopold Sedar Senghor, premier africain à se faire élire à l’académie française, s’en est allé mourir de sa belle mort, en Normandie, auprès de son épouse, et eut droit à des obsèques grandioses dans son pays natal ; le président Abdou Diouf, qui lui a succédé, occupa le poste prestigieux de secrétaire général de la francophonie, auquel il s’adonna avec abnégation, enthousiasme et professionnalisme ; il continue d’être écouté et consulté sur son expertise politique ; Abdoulaye Wade, avocat à la voilure internationale, mathématicien et brillant économiste, a poursuivi, bien après avoir quitté la présidence, et en toute liberté, ses activités politiques, traversant de long en large le Sénégal, critiquant sans ménagement la législature de l’ancien président Macky Sall, alors en exercice, sans qu’il ne soit inquiété, outre mesure.

Il est dès lors légitime de s’interroger sur la cause de cette exception sénégalaise.

Il faut la chercher dans le caractère républicain des forces armées du Sénégal.
Source:Maître Taleb Khyar Mohamed

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