Présidentielle 2024 : Le Pacte survivra-t-il ?

Le Calame – Les manœuvres de la présidentielle se poursuivent activement ; les prétendants au fauteuil suprême se démènent, chacun dans son coin. Et l’opposition continue chaque jour à s’enfoncer un peu plus dans ses divisions. Elle va aligner plusieurs candidats, réduisant ses très maigres chances de parvenir à l’alternance par les urnes.

Ce faisant, elle contribue à ouvrir largement l’avenue au candidat du Makhzen, Mohamed Cheikh Ghazwani. La décision du RFD, le parti du leader Ahmed ould Daddah, miné il y a peu par une querelle de succession, de soutenir le candidat Ghazwani et celle, un peu avant, de l’UFP du docteur Mohamed ould Maouloud d’apporter son concours à maître El Id ould Mohameden M’Bareck, alors qu’une grande partie de l’opinion pensait que celui-là allait plutôt échoir au candidat du pouvoir, témoignent déjà de ces divisions.

Si l’UFP reste constante dans ses principes, le RFD – dont le chef marqua de son empreinte fortement l’opposition et la démocratie mauritanienne – rompt nettement avec les siens, en choisissant de quitter celle-là : bon nombre de ses hauts responsables et cadres semblent s’y sentir un peu à l’étroit ces temps derniers.

La proximité entre Ahmed Daddah et le président Ghazwani – dont le penchant pour les grandes notabilités n’est plus à démontrer – laissait en effet présager le soutien du RFD à sa candidature.

Question annexe d’évidence : en choisissant de soutenir deux candidats différents à cette présidentielle, le RFD et l’UFP n’ont-ils pas signé l’arrêt de mort du Pacte républicain qu’ils avaient paraphé et défendaient depuis plusieurs mois ? La question est sur toutes les lèvres des observateurs.

Cette nouvelle démontre combien l’opposition est minée et côtoie les abîmes. Certains mauritaniens n’hésitent plus à affirmer qu’elle n’existe quasiment plus, hélas, ce qui désole la députée Kadiata Malick Diallo et Messaoud Boulkheïr, président de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), appelant en vain l’opposition à s’« entendre autour de l’essentiel ».

La surprenante décision de Tawassoul de lancer dans la course son président n’arrange pas les affaires. À une exception près, le parti islamiste s’était toujours abstenu à présenter un candidat à la présidentielle, se contentant de soutenir tel ou tel de l’opposition ou indépendant. Les observateurs s’interrogent sur l’opportunité de cette candidature.

S’agirait-il de ne pas se faire doubler par tel ou tel autre et de ne surtout pas perdre son leadership? Prouver à l’opinion que la proximité avec le président Ghazwani dont celle-là le suspecte n’est qu’une pure illusion ?

Qui parraine qui ?

Si le candidat Ghazwani peut tranquillement dormir sur ses lauriers : son dossier sera vraisemblablement validé par le Conseil constitutionnel (CC), comme probablement celui du candidat Tawassoul, leur parti respectif disposant des parrainages requis ; les autres devront se battre pour franchir l’étape du juge constitutionnel.

Face à cette crainte, les prétendants ont dénoncé les « manipulations » auxquelles le pouvoir pourrait s’adonner dans l’attribution des parrainages. En effet, seuls l’INSAF et l’UDP disposent d’un excédent de ces sésames. Une manne qu’ils pourraient vendre cher, on l’imagine.

Déjà, des rumeurs filtrant du parti au pouvoir évoque l’attention de celui-ci aux largesses de ses élus. Suffisant pour mettre en ébullition les différents états-majors des candidats à la magistrature suprême.

Les estampillés « candidats du pouvoir » ou du « système » pourraient tirer leur épingle du jeu. Dans une conférence de presse tenue le 4 Mai à l’hôtel Mauricenter une dizaine de prétendants, côté opposition, ont justement dénoncé les «obstructions de l’Administration » visant à «empêcher les conseillers des partis de la majorité de les parrainer ».

Qualifiant ces actes d’« anti-démocratiques », ils demandent au président de la République « d’assumer ses responsabilités pour éviter des tensions au pays ». Et de lister les noms de hakems à Nouakchott et à l’intérieur du pays ayant refusé de valider les parrainages que des conseillers ont bien voulu leur accorder.

Les candidats de l’opposition avaient auparavant demandé à rencontrer le comité directeur de la CENI pour discuter de la liste électorale et des conditions de transparence du prochain scrutin. Selon des sources concordantes, la CENI leur aurait signifié qu’elle discutera avec les candidats, une fois leur dossier validé par le CC, et qu’en attendant, seuls les partis politiques sont ses interlocuteurs.

Allégeance, allégeance, nous voilà !

Depuis que le président Ghazwani a annoncé par lettre ouverte à la Nation sa décision de briguer un second mandat, on assiste à une prolifération d’initiatives lancées par différents acteurs pour lui apporter ce qui ressemble fort à une allégeance.

Les voilà à rivaliser d’ardeur et de mobilisation. Mais, beaucoup plus déplorable et dangereux, ces initiatives qui poussent comme des champignons revêtent toujours un caractère familial, tribal, régional, alors que ces critères sont expressément bannis par la loi.

Le président de la République et son parti n’en cessent d’en condamner les tares. Les discours tant chantés de Ouadane, de Jéol et autres sont donc oubliés. On voit, dans ces initiatives, des personnalités très âgées et respectables trimballées pour figurer au premier plan et se lancer dans des déclarations indignes de leur âge et de leur rang.

À l’ère du numérique et des réseaux sociaux, ses sorties leur seront jetées au visage, comme on le fait aujourd’hui avec les anciens collaborateurs de l’ex-président Ould Abdel Aziz. La honte qui tuait hier les personnes respectables ne gêne plus personne aujourd’hui. On y voit des personnalités en barbe blanche faire des « courbettes » pour les « personnes-ressources ». Pitoyable Mauritanie !

Force aussi est de constater que ces initiatives sont organisées, dans leur majorité, par des sympathisants et potentats du régime, c’est-à-dire par ceux qui ont si souvent puisé dans les caisses de l’État, recyclés de la Décennie et «nouvelles notabilités », purs produits de la « nouvelle » Administration.

Tous cherchent visiblement à préserver des privilèges acquis sur le dos des citoyens, à assurer la pérennité de leur progéniture en celle-ci ou au sein des forces de défense et de sécurité et à continuer de bénéficier des juteux marchés de l’État… Pour y arriver, ils n’hésitent pas à embrigader les populations et à les mobiliser, le jour du vote, afin de les obliger à voter pour leur candidat.

Gare aux égarés ! Dans ces conditions, comment garantir une élection inclusive, crédible et surtout transparente ? Les dernières élections municipales, législatives et régionales ont démontré jusqu’où ces manipulateurs sont prêts à aller dans la « mobilisation » pour prouver leur «allégeance » au pouvoir…

Dalay Lam

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