Dialogue politique en vue : Véritable tournant ou nouvelle diversion ?
Le Président Mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani a appelé, lors de la commémoration de la fête de l’indépendance nationale en novembre dernier, à un dialogue politique avec l’opposition. Si certains partis avaient rapidement répondu positivement à cet appel, certains dirigeants politiques s’étaient montrés réticents, à l’image de Biram Dah Abeïd, arrivé en deuxième position lors de la dernière présidentielle, qui avait décidé de ne pas prendre part aux futures concertations.
Et puis, jeudi dernier, coup de théâtre, le Président Ghazouani invite Biram Dah Abeïd à un tête-à-tête pour des discussions en prélude à ce dialogue. Rappelons que la formation de Biram Dah Abeid est membre d’un groupe de partis qui se disent «anti-système». La participation de ce front à ce dialogue lui donnera probablement plus de crédibilité.
Quels sont les enjeux de ce dialogue et que peut-on en attendre ? Qu’est-ce qui garantit que ses conclusions seront appliquées ? Quelles seront les éventuelles répercussions sur la prochaine élection présidentielle prévue en 2029
Le dialogue politique proposé par le Président Mohamed Cheikh El Ghazouani est un moment clé pour la stabilité politique et la consolidation démocratique en Mauritanie. L’invitation de Biram Dah Abeid, leader du mouvement « anti-système », en vue de ce dialogue, soulève plusieurs enjeux importants, tant au niveau national qu’en perspective des prochaines élections. Voici quelques éléments à considérer :
1. Enjeux du dialogue politique :
a. Inclusivité et Réconciliation Politique :
L’appel au dialogue vise avant tout à inclure une plus grande diversité d’acteurs politiques, y compris l’opposition. La participation de Biram Dah Abeid, figure emblématique de la contestation et leader de la cause antiesclavagiste, pourrait ouvrir la voie à une réconciliation plus large et à une réduction des tensions politiques, tout en renforçant la cohésion nationale. C’est une opportunité de discuter des questions brûlantes, notamment les droits humains, les inégalités sociales, et les préoccupations liées à la gouvernance.
b. Renforcement de la Démocratie :
Ce dialogue peut être vu comme un effort pour renforcer les mécanismes démocratiques dans le pays. En intégrant les opposants dans le processus décisionnel, le gouvernement cherche à promouvoir un climat politique plus apaisé et à éviter des tensions qui pourraient nuire à la stabilité du pays à long terme.
c. Image du Gouvernement :
Pour le Président Ghazouani, ce dialogue est également une manière de renforcer sa légitimité, en particulier face à une opposition qui a parfois critiqué son style de gouvernance. En invitant un leader comme Biram Dah Abeid, qui a une large audience parmi les couches marginalisées, Ghazouani cherche à se présenter comme un dirigeant prêt à écouter et à ouvrir un espace politique plus inclusif.
2. Ce que l’on peut en attendre :
a. Une Révision des Institutions Politiques et Sociales
Il est probable que ce dialogue donne lieu à des discussions sur les réformes institutionnelles et sociales. Cela pourrait inclure des ajustements au système électoral, des réformes législatives et des initiatives visant à améliorer les droits des minorités, notamment la communauté Haratine, qui est un des principaux axes de mobilisation pour Biram Dah Abeid.
b. Développement de Mécanismes de Collaboration
Si ce dialogue s’avère fructueux, il pourrait déboucher sur la création de mécanismes plus solides pour une gouvernance partagée, permettant d’éviter les impasses politiques futures et garantissant une représentation plus équitable de l’opposition dans les institutions.
c. Renforcement de la Paix Sociale
En cas de succès, un tel dialogue pourrait atténuer les divisions sociales et politiques. Ce processus de concertation pourrait également être vu comme un moyen de réduire les tensions ethniques et régionales dans le pays, qui demeurent des problématiques sensibles en Mauritanie.
3. Quelles garanties pour l’application des conclusions ?
a. Volonté politique :
Bien que le dialogue soit prometteur, l’application des conclusions dépendra largement de la volonté politique du Président Ghazouani et de ses alliés. Une fois les discussions ouvertes, des mécanismes de suivi et de mise en œuvre devront être définis pour garantir que les réformes proposées ne restent pas lettre morte. Cela inclut des engagements concrets et vérifiables, notamment en matière de transparence et d’inclusion.
b. Pression populaire et des partis de l’opposition :
L’opposition, en particulier les formations comme celle de Biram Dah Abeid, pourrait jouer un rôle clé pour faire pression afin que les conclusions du dialogue soient respectées. Leur implication directe dans les négociations pourrait renforcer la crédibilité du processus, et la mobilisation populaire pourrait également inciter le gouvernement à honorer ses engagements.
c. Mécanismes de Contrôle :
Des mécanismes institutionnels, comme des commissions indépendantes ou des observateurs internationaux, pourraient être mis en place pour surveiller la mise en œuvre des réformes décidées durant le dialogue. Cela garantirait une certaine transparence et rendrait le gouvernement plus redevable.
4. Répercussions sur la présidentielle de 2029 :
a. Nouveau Leadership Politique :
Si le dialogue débouche sur des changements significatifs, notamment dans le domaine des droits de l’homme et de la représentation politique, cela pourrait redéfinir les règles du jeu pour les élections de 2029. Les partis qui participent à ce dialogue pourraient, en fonction des résultats, être mieux préparés et plus compétitifs, ce qui pourrait équilibrer la scène politique, jusqu’ici dominée par des figures proches du pouvoir.
b. Transformation du paysage électoral :
Le dialogue pourrait aussi avoir des répercussions sur la façon dont les élections seront organisées, avec peut-être une réforme du système électoral, un meilleur contrôle des élections ou une représentativité accrue des partis d’opposition. Une répartition plus équitable des ressources politiques pourrait changer les dynamiques des élections futures.
c. Rôle de l’opposition :
Si des partis d’opposition comme celui de Biram Dah Abeid réussissent à obtenir des concessions concrètes durant ce dialogue, cela pourrait renforcer leur position et leur crédibilité auprès de la population. Cela pourrait surtout valider la stratégie de Samba Thiam, leader des FPC qui avait choisi de soutenir Biram lors de la dernière présidentielle et qui avait été critiqué pour ça par certains milieux.
Ce serait particulièrement important dans le cadre de la présidentielle de 2029, car la montée en puissance de l’opposition pourrait créer une compétition plus ouverte et un véritable choix électoral.
Conclusion
Le dialogue politique engagé par le Président Ghazouani avec Biram Dah Abeid et d’autres opposants pourrait être un tournant dans la politique mauritanienne. Il offre l’espoir d’une plus grande stabilité, mais son succès dépendra de la capacité des acteurs à mettre en œuvre les réformes discutées et à garantir que les changements profiteront véritablement à tous les citoyens. Pour les élections de 2029, cela pourrait soit ouvrir la voie à un renouvellement du leadership, soit renforcer les bases d’un pouvoir consolidé, selon l’issue du dialogue.
Source:L’éveil Hebdo-Mauritanie