Ghazouani profite d’une faille dans le verrouillage de l’armée par Aziz contre les coups d’Etat
En quelques jours, Aziz est passé de présumé maître dans les coulisses du pouvoir à citoyen « lambda » donnant une conférence de presse sans intérêt sinon pour faire comprendre indirectement qu’il ne craint personne et que toute tentative de l’indexer dans des dossiers financiers emporterait d’abord les commanditaires des enquêtes.
De même en quelques jours, Ghazouani est passé de présumé « wogave » à la présidence à « rebelle » face au retour d’Aziz pour enfin devenir le chef de l’Etat incontestable avec le soutien des forces de sécurité, de l’UPR et même de l’opposition radicale qui voit en lui surtout celui qui débarrasse le pays d’Aziz qui avait les pleins pouvoirs.
La seule explication à cette chute fracassante de l’image d’un ancien chef hier tout puissant qui n’a même pas eu honte de raconter comment les hôtels et la presse ont fui sa proposition de conférence de presse, c’est qu’Aziz a été victime de son verrouillage des forces de sécurité.
Ayant fait carrière au cœur des coups d’état qui ont secoué le pays, Aziz a toujours su comment tenir le pouvoir en tenant l’armée et pour ne pas avoir à la craindre, en plus d’avoir eu longtemps un Ghazouani et quelques généraux ayant la tête sur les épaules, Aziz a tout fait pour rendre difficile voire impossible un coup d’Etat.
Les experts de ce monde en parleront mieux que nous mais c’est une question de bon sens. Multiplication du nombre de généraux, parcellisation des structures dirigeantes, le tout fait avec une cuisine interne rendant impossible les coups d’état à l’ancienne où il suffisait de ficeler un chef d’état-major général des armées et 2 ou 3 autres, tenir la radio et la télévision et c’était fini.
Aujourd’hui, quiconque voudrait s’amuser à ça, serait surpris par le ressac car l’armée de 2019 n’est pas celle qu’Aziz a trouvée. Elle est de nouveau debout, bien armée avec derrière des jeunes ambitieux ayant une autre culture politico-militaire qui seraient incontrôlables si quelqu’un au sommet ne respectait plus le règlement militaire. De plus, actuellement, à part pour Ghazouani l’homme du consensus ou un ou 2 autres, c’est impossible que tous les généraux se mettent d’accord pour un chef des armées autre qu’Aziz.
A écouter ces généraux parfaitement bilingues, ils sont, d’un point de vue intellectuel, plus stables, plus cultivés et moins complexés qu’Aziz qui cependant a un caractère plus adapté à la situation de 2005 à 2008 car il fallait foncer dans le tas sans trop se soucier des conséquences internes et externes au pays sinon un civil allait mettre à genoux les têtes de l’armée avec le risque à terme de faire de la grande muette le sinistre théâtre de la politique politicienne qui a discrédité pour longtemps les partis d’opposition mauritaniens.
L’inconscience d’Aziz à son retour, fut de ne pas avoir mesuré la situation ingérable dans laquelle il comptait mettre ses partisans dans l’armée sans parler des civils car le retour précipité d’Aziz est indéfendable. Il a dirigé le pays pendant 10 ou 15 ans avec les pleins pouvoirs, puis il a quitté le pouvoir démocratiquement permettant à l’armée de faire une transition qui a raté avec Sidioca ; celle qui consiste à ne pas perdre la guerre devenue démocratique, une guerre politique sans l’usage des armes face à une opposition atomisée sauf les islamistes aux aguets et parfaitement structurés.
Le système mis en place par Aziz avec l’appui de Ghazouani et d’autres pour rendre impossible un coup d’état, sauf cas de force majeure, a joué contre Aziz car aujourd’hui l’armée devait choisir entre un président qui a fait son temps et un des leurs devenu général civilisé qui a fait toutes les déclarations possibles assumant le bilan d’Aziz et prouvant au pouvoir qu’il serait l’homme de consensus.
A cela s’ajoute un élément incontournable : les puissances étrangères qui ont des intérêts colossaux dans le sahel ne semblent plus avoir confiance en Aziz comme partenaire pour la sécurité car l’homme a montré combien il est rusé, incontrôlable et peu fiable dans cette guerre géopolitique où peu savent qui joue à quoi et contre qui.
Un panier de crabes sous influence dont les ficelles vont de l’Occident au Moyen-Orient.
La Mauritanie ne peut pas se permettre d’avoir sur le dos des grandes puissances qui n’auraient qu’à claquer des doigts pour faire tomber le fruit mûr de l’image de pays esclavagiste : ce jour-là, tout serait prétexte à renverser le pouvoir et disloquer la société maure déjà mal en point avec les suites faciles à imaginer.
Tout ça pour dire qu’Aziz a été d’abord victime de l’efficacité de l’articulation nouvelle de l’armée rendant difficile voire impossible un coup d’état ou même des mouvements visant à créer des tensions sévères pour le soutenir ou déstabiliser un Ghazouani. On ne peut que se féliciter de voir que l’armée mûrit en comprenant parfaitement l’enjeu de l’élection d’un général civilisé, l’homme du consensus salué même par l’opposition radicale.
Pour le reste, Aziz n’est pas à plaindre du tout. Il a marqué ce pays au fer rouge et des générations entières vont chanter son hymne égyptien, respectant le rouge trop vif inconnu de la culture maure sur un drapeau nouveau, un sénat rasé, une monnaie nouvelle etc.
Quant à la trahison que subirait Aziz de la part de ses proches, c’est du flan. Aziz n’a jamais eu une vision politique, un projet culturel pour faire aller le pays de l’avant, il n’a fait que berner le monde entier en divisant les mauritaniens sous la menace des impôts, la crainte de la perte du salaire ou de l’emploi. Ceux qui l’ont suivi y trouvaient leurs comptes financiers ; certains servant la continuité de l’Etat, d’autres le suivaient juste en mercenaires politiques.
Personne n’a trahi Aziz et si quelqu’un l’avait fait, Aziz peut-il se plaindre d’avoir été trahi lui dont la trajectoire politique et même militaire n’est pas à l’abri de l’accusation ?
Le vrai problème reste l’impunité des zélés serviteurs de l’impunité qui traversent les âges au service de tous les pouvoirs autoritaires. Sans chasse aux sorcières, il faudrait au moins changer de têtes.
Pour ma part, je conseille à Ghazouani quelques modestes actes symboliques comme raser les boutiques prises sur le terrain de l’école de police. Ensuite annuler la convention chinoise votée au parlement en discutant au préalable avec le gouvernement chinois qui a tout intérêt à la manœuvre s’il ne veut pas être indexé par les mauritaniens. Arrêter au moins les courtiers de Cheikh Madoff pour y voir clair et remercier l’imam wahhabite de la grande mosquée.
Voilà de petits gestes qui auraient un retentissement colossal dans le cœur des mauritaniens sans faire le moindre mal à Aziz car il s’agit de si peu…
VLANE