Aziz pour Ghazouani : Un soutien incontournable mais embarrassant
Peut-on réellement parler d’un tandem Aziz-Ghazouani ? C’est la mort dans l’âme que le président sortant Aziz aurait été contraint par ses «frères d’armes» de reculer sur le 3ème mandat illicite.
Le moindre mal était pour lui de passer ainsi le témoin à son alter-égo devenu son outsider dans le système? C’est contre mauvaise fortune, malgré les apparences, que le président sortant Mohamed Ould Abdelaziz a accepté l’injonction qui lui aurait été faite en sourdine d’apporter son soutien à son «frère et ami de 40 ans» devenu par la force des verrouillages constitutionnels son dernier choix.
Mais à y bien réfléchir, la candidature de Ghazouani protègerait mieux le président Aziz de l’aventurisme dans lequel il aurait pu s’embarquer et surtout pourrait, s’il ne provoque pas beaucoup son successeur éventuel, de protéger ses arrières. L’un de ses opposants Moustapha Limam Chaavi évoque déjà une plainte contre lui. L’arroseur sera-t-il arrosé ?
Au regard des péripéties politiques d’avant campagne, et nonobstant le soutien qu’il apporte au candidat, il est bien clair que le président sortant fait encore de l’ombrage à son éventuel successeur. Le candidat Ghazouani donne l’impression qu’il obéit aujourd’hui à la baguette. Or, jusqu’au 1er août prochain, date de passation de pouvoir –si Ghazouani était élu- le président Aziz veut continuer à faire la pluie et le beau temps.
Baise la main que tu ne peux encore couper
Malgré le semblant de sympathie, qui a accompagné la déclaration de candidature de Mohamed Ould Ghazouani, le 1er mars 2019, suivi par le ralliement de certains pans de la population et d’adversaires téméraires au président Aziz, comme l’ancien premier ministre de l’ère Sidi Ould Cheikh ABDELLAHI (Sidioca) et l’ancien bâtonnier Me Bettah, il est bien clair que l’omnipotence du président et de ses hommes dans l’équipe de campagne du candidat Ghazouani suscite une inquiétude d’autant que la concurrence lors de cette élection a de fortes chances d’être marquée par un vote identitaire.
Mais que peut faire Ghazouani face à sa rampe de lancement constituée des symboles d’une décennie de gabegie à tous les étages et à des apparatchiks qui lui sont imposés par la volonté de son prédécesseur ? Rien, sinon composer avec ces « aléas» en espérant que la machine électorale le hissera au premier tour le 22 juin. Mais en attendant, il semble obligé d’assumer le bilan et la gestion du président sortant. Une position qui ne fait pas l’unanimité dans son propre camp. Mais à l’impossible, aujourd’hui, Ghazouani n’est pas tenu.
Pourtant, rien qu’à en juger par la visite récente du président Aziz à Kiffa et le « retour » symbolique du bouffon Zeidane, en flèche dans le cortège présidentiel, l’on soupçonne une divergence de perception entre les deux hommes ; Ghazouani ayant récemment exfiltré Zeidane pour ses sorties inopinées lors de sa tournée. Le lendemain des présumés audios concernant sa vie privée étaient jetés en pâture à l’opinion publique.
Mais pire encore, le président Aziz, qui sans doute veut garder des cartes en sa possession, dans toute éventualité, même celle du succès de son «frère et ami», termine son mandat par une pluie de nominations pour entretenir une sorte de cordon ombilical avec les nouveaux promus. Ses hommes raflent tous les marchés publics y compris celui très sensible de l’impression des bulletins de vote pour continuer de jouer les premiers rôles. Le président sortant tente ainsi de continuer de tenir par les brides tous ses alliés du moment parce qu’il ne sait pas trop de quoi demain serait fait pour lui.
Mais quoiqu’on dise, le président Aziz veut pour le moment pallier au plus pressé : asseoir son ami sur le trône au premier tour pour s’en sortir lui-même. Ce n’est donc pas pour les beaux yeux du candidat Ghazouani qu’il le fait étant entendu pour lui que le succès de chacun des candidats opposants signifiera le temps des comptes avec lui.
La gestion économique et financière catastrophique sous ses deux mandats laissant un pays endetté jusqu’au cou et des filets sociaux en lambeaux constituent, il s’en doute, les seules paramètres sur lesquels les populations le jugent. Tous les forcings qu’il a jusqu’ici utilisés pour justifier ses décisions litigieuses devraient le préoccuper.
Pourtant, certains observateurs estiment que Ghazouani ne serait qu’une «marionnette» entre les mains du président sortant ; qu’il n’aurait pas assez de poigne pour s’imposer face à la forte personnalité du président Mohamed Abdelaziz. Il ne serait là que pour amuser la galerie en attendant un come-back du marionnettiste.
La transparence du scrutin, seul gage !
Avant même la campagne électorale et le scrutin du 22 juin, les candidats de l’opposition, mis à l’écart de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), crient au scandale. Et cerise sur le gâteau, l’attribution du marché d’impression des bulletins de vote à une société dont le patron est le protégé du président sortant, suscite encore plus de doute sur la transparence réelle des opérations. Un conflit d’intérêt qui aurait pu convaincre la Ceni d’éviter toute suspicion autour du scrutin et ne pas chercher par de fallacieux prétextes à justifier l’ouverture de son appel d’offres aux entreprises locales.
Seules des entreprises étrangères à l’enjeu politique national et susceptibles d’être contrôlées dans leurs pays auraient pu rasséréner tous les candidats. La Ceni semble malheureusement avoir choisi la mauvaise direction pour en imposer à tous les acteurs.
J.D