Réplique aux propos tenus par le ministre Kane Ousmane à Darel Barka

 Les propos tenus par notre ministre Kane Ousmane à Dar el Barka traduisent une approche bureaucratique consacrant les intérêts de l’agro business qu’il soit national ou étranger plus que ceux des agriculteurs propriétaires terriens traditionnels.

Ce discours décline un schéma idéal de la valorisation des terres du walo qui s’avère inapplicable et inadapté à nos réalités socio-économiques. Les réserves que nous formulons à l’endroit de cette vision sont les suivantes :

1- L’Etat a trop tardé à s’occuper de la valorisation des terres et n’a jamais donné priorité à l’atteinte de l’objectif d’autosuffisance alimentaire à travers une politique conséquente de mise en valeur de celle-ci.

2- L’argent qui a été dépensé à cet effet depuis 1974, année de création de la SONADER soit 550 Millards d’ouguiya n’a jamais profité à ces agriculteurs. Quand on enlève de cette somme les dépenses indispensables à la machine bureaucratique (administration centrale, administration déconcentrée et la SONADER), les détournements restés impunis et autres dépenses fictives, il ne reste que peu d’argent consacré au développement agricole. Dans cette manne financière même l’agrobusiness national fabriqué de toute pièce par Ould Taya en a plus bénéficié.

3-Ce schéma va avoir pour résultat le changement du statut de nos terres arables et empêchera les propriétaires traditionnels de jouir comme il se doit de leur propriété. Ce sera une spoliation déguisée en lieu et place d’une spoliation forcée comme ce fut la pratique depuis 1986.

4- Le nouveau rapport de force qui naitra du partenariat entre l’Etat, les populations concernées et le secteur privé national ou étranger sera défavorable nettement aux populations locales car la collision d’intérêts entre l’Etat (censé arbitrer le jeu) et le secteur privé est une réalité.

5- Si la terre devient source de dispute et de division c’est parce que l’Etat a toujours été animé d’un projet de spolier par la force ces terres rétrocédées intégralement à des notables maures blancs qui en ont fait leurs propriétés à jamais.

6- Le contentieux foncier existant n’a pas attiré l’attention de Mr le ministre qui a ainsi passé sous silence des milliers d’hectares spoliées durant les évènements. Ceci est vrai surtout pour le département de Rosso mais aussi pour le village natal de Monsieur le ministre.

7- La durée maximale du bail n’a pas été précisée et doit être uniformisée.

8- Aucune entente n’est requise par rapport à la propriété foncière car tout le monde connait la propriété de chacun. Celle-ci est de type familial et les terres possédées sont inaliénables, non échangeables et restent la propriété du groupe dont la gestion incombe à l’ainé de la famille.

9- La part cédée aux propriétaires terriens après aménagement n’est pas précisée. Nous pensons qu’elle doit être au moins égale à 50%des terres mises en valeur.

10- L’agro-business n’est intéressée que par le profit ou le rapatriement du produit chez lui. Dans les deux cas de figure cette valorisation ne participera que faiblement à nourrir nos populations. A l’instar de la pêche qui doit contribuer à nourrir nos population l’Etat a choisi de délivrer des centaines de licences de pêche à des bateaux étrangers qui prélèvent des milliers de tonnes de poissons pour les vendre à l’étranger. Même le poisson de basse qualité est introuvable (yaboye) du fait de l’implantation d’usines de farine de poisson vendue en Europe comme aliment de bétails : chiens, chats, porcs…

11- Les terres dont l’agrobusiness a besoin n’existent pas dans la vallée du fleuve car s’il faut développer des superficies de 10000 HECTARES, 5000HECTARES cela signifie que toutes les terres du Walo seront sacrifiées à cette fin. Un tel scenario est catastrophique car nous pensons que ces populations doivent conserver les terres les plus proches du fleuve et continuer à y pratiquer des cultures de subsistance à savoir le mil, le maïs, le haricot, les légumes…. Les populations riveraines doivent conserver leurs zones de pâturages et de parcours du bétail ainsi que des espaces vitaux pour chaque ville, village ou campement.

12- Ainsi nous pensons que l’agrobusiness ne doit accéder qu’aux hautes terres non mises en valeur régulièrement. Les agriculteurs de la vallée doivent conserver leurs terres arables les plus fertiles et les plus proches du fleuve afin d’y pratiquer toutes sortes de cultures : fruits, légumes, céréales…..

13- Cette valorisation devait être pensée dans un cadre global d’aménagement du territoire englobant toutes les régions de la Mauritanie au lieu de cibler uniquement les terres de la vallée. Avec la présence de l’eau dans toutes les régions du pays l’agriculture doit pouvoir se pratiquer partout.

14- Nous insistons sur la nécessité de restituer toutes les terres spoliées durant les évènements aux populations concernées dont tous les villages avaient été déguerpis par l’Etat mauritanien à cette fin abjecte. Ce statuquo rentre en contradiction avec la notion d’Etat de droit et constitue une honte pour les élites politiques qui clament encore haut et fort que la Mauritanie est un Etat de droit.

15- L’Etat mauritanien n’a jamais réellement aidé les cultivateurs de la vallée à mieux produire ou à produire plus. L’approche par les grands aménagements risque d’être un échec. Nous préconisons une approche par des aménagements communautaires au profit des villes, villages, campements et les petits aménagements pour les promoteurs locaux de 2 à 50 HECTARES.

Nous réitérons aux populations notre appel afin qu’elles continuent d’exploiter leurs terres et de rester toujours mobilisées autour de celles-ci.

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