Un bout de vérité

Mohamed Abdellahi ABDEL JELIL – Le discours prononcé par Monsieur le ministre des affaires économiques et de la promotion des secteurs productifs (MAEPSP) à l’ouverture de l’atelier sur le suivi des performances des projets constitue une rupture remarquable et louable avec la sémantique habituelle du « tout est parfait ».

Il n’a dit que des vérités, rien qu’elles. Cependant, l’observateur distant que je suis constate qu’elles n’ont pas toutes été dîtes. Pourtant, en démocratie, contrairement à l’adage, toutes les vérités doivent être dites.

En effet, il semble, dans ce discours tout au moins, limiter l’appréciation des performances des projets à trois indicateurs :

• les taux de décaissements ;

• les délais de mise en œuvre ;

• le rôle des coordonnateurs.

Il est indéniable que les qualités et qualifications des coordinateurs jouent un rôle moteur dans la réussite ou non d’un projet/programme. Ainsi, il devrait être scrupuleusement veillé à ce que chaque projet/programme trouve le coordonnateur qui lui convient, et non l’inverse. Quant aux deux premiers indicateurs, il faut reconnaître qu’ils sont tributaires d’un grand nombre de facteurs dont :

• les procédures nationales ;

• les procédures de ceux qu’on appelle pudiquement «les partenaires techniques et financiers » ;

• les capacités locales d’exécution.

Les procédures nationales concernent, d’abord, l’interminable et inextricable cycle de passation des marchés publics qui, malgré les nombreuses réformes, demeure contraignant, inadapté et chronophage. Elles se rapportent, ensuite, aux retards dans la mobilisation effective des contreparties nationales.

Les procédures des partenaires, quant à elles, sont remarquablement lentes. Elles occasionnent, ainsi, des retards conséquents inhérents au cyclique avis de non objection (ano) qui, une fois obtenu après une longue patience résigné, est souvent assorti d’une conditionnalité qui, elle également, requiert un nouvel ano.

Les faibles capacités locales d’exécution impactent, elles aussi, significativement et négativement le rythme de mise en œuvre des programmes et de réalisation des projets. Il s’agit là, aussi bien des ressources humaines que des outils et instruments physiques. Il est légitimement espéré que l’atelier à l’ouverture duquel Monsieur le MAEPSP a évoqué la situation des projets contribue à la mise en place, à terme, de tableaux de bord qui permettent au MAEPSP de suivre les indicateurs de performances.

Mais il serait particulièrement utopique de s’attendre à ce que lesdits indicateurs, à moins qu’on ne soit daltonien, clignotent, au conseil des ministres, à la fin d’un mois prochain, tous au vert.

Il faudra, pour ce faire, s’employer, dès à présent, à identifier, analyser et solutionner les problèmes en amont.

Parmi ceux-ci, il faudra nécessairement prendre en compte, avec la pus grande objectivité, la pertinence des projets et leurs chances réelles de durabilité.

En effet, pour bien des citoyens et bon nombre d’observateurs, les résultats et impacts durables de centaines de projets implémentés depuis près d’un demi-siècle, avec des dénominations qui ont épuisé les combinaisons possibles des 26 lettres de l’alphabet et puisé dans l’alphanumérique, et des coûts qui donneraient le tournis au commun des contribuables, sont tout simplement sujet à caution.

Selon la même logique, ces projets qui n’ont pas réussi à développer le pays, n’ont eu comme effet équitablement partagé qu’endetter lourdement les générations montantes et futures.

Il serait donc utile de capitaliser la prise de conscience ainsi exprimée des dysfonctionnements majeurs dans notre approche projets pour adopter un nouveau paradigme de développement de notre pays.

Dans ce cadre, l’approche d’un développement endogène défendue par le célèbre historien et philosophe burkinabé Joseph KI-ZERBO devrait nous inspirer : « on ne développe pas. On se développe ».

Debellahi ABDE JELIL

Nouakchott le 30 juin 2022

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