Trois questions à Guèye Mamoudou, alias Boobo Loonde, un des membres fondateurs de l’OLAN

Le Calame – L’organisation pour l’Officialisation des LAngues Nationales (OLAN) a organisé un sit-in devant le MERSE. Quels étaient les motifs de ce rassemblement ?

Mamoudou Guèye : Je tiens d’abord à remercier votre journal pour son attachement à la liberté d’expression et à la promotion de la démocratie dans notre pays. Quant à votre question, OLAN est une organisation qui vient de naître, suite à la sortie de la note d’information du projet de loi d’orientation de l’Éducation nationale.

Nous avons constaté que le rapport des Assises, bien que ne reflétant que peu le plaidoyer des associations culturelles et propositions des autres personnes-ressources, a été purement et simplement mis de côté. Les journées dites de concertations n’ont ainsi contribué qu’au camouflage d’une décision déjà mûrie, et qu’à ce qu’au finish, la seule issue est l’arabisation totale de notre système éducatif.

Cela traduit malheureusement l’accentuation de la marginalisation croissante de nos langues nationales, le pulaar, le soninké et le wolof.

Le sit-in du vendredi 15 Avril 2022 est juste le début de nos manifestations pour dire non à ce projet de loi dans sa forme actuelle, et demander, une fois de plus, l’officialisation de toutes nos langues nationales.

– Cette question que les associations culturelles nationales et l’OLAN soulèvent aujourd’hui n’avait-elle pas fait l’objet de consensus lors des journées de concertations ? Pourquoi ce recul selon vous ?

– En réalité et comme je l’ai dit tantôt, même à la sortie desdites journées, le constat majeur était qu’on voulait nous faire avaler du cuit depuis longtemps. Il n y a donc jamais eu consensus autour de cette question. Nous pouvons dire sans risque de nous tromper que nos craintes, partagées par un grand nombre de personnes avisées, se sont confirmées par la note du projet de loi d’orientation. Les associations culturelles avaient présenté un très bon plaidoyer, ficelé par des connaisseurs d’une grande expertise, mais quel a été le sort réservé à ce travail ?

Il suffit juste d’un peu de détermination de la part de l’État pour remédier aux maux essentiels dont souffrent notre cohabitation et cohésion nationale. Des propositions de bonne volonté y ont travaillé et prouvé leur désir de contribuer à bâtir la cohésion nationale. Je dis bien cohésion nationale car, disons-nous la vérité, on ne peut vivre paisiblement ensemble qu’avec justice et respect de l’Autre.

Toutes les langues se valent, c’est pour cela que nous demandons l’officialisation de toutes les nôtres, l’arabe (hassaniya), le pulaar, le soninké et le wolof. Ces trois dernières doivent être traitées au même titre que le hassaniya.

Quant à la deuxième partie de votre question, je le dis et je le redis : depuis la suppression définitive de l’Institut des Langues Nationales (ILN) en 1999, il n’y a jamais eu d’avancée claire en ce sens et l’on ne fait que constater les dégâts. On n’a fait qu’enfoncer de plus en plus les langues non-arabes et tout ce qui va avec, y compris la considération de leurs différentes communautés.

Regardez vous-même la composition de l’administration mauritanienne, la place du pulaar, soninké et wolof dans les media publics et privés nationaux, l’échec et/ou l’absence à différents concours et recrutements des enfants négromauritaniens. Je dis qu’il y a une volonté manifeste de continuer à exclure cette frange de la population mauritanienne…

– Qu’entendez-vous faire après ce premier sit-in de protestations ?

– Après ce sit-in, nous en ferons d’autres et d’autres manifestations, jusqu’à ce que la justice soit rétablie définitivement. Nous pensons aujourd’hui que l’officialisation de toutes nos langues nationales est une des solutions incontournable aux maux que nous vivons.

C’est ainsi que nous appelons tous les Mauritaniens à se joindre à ce cri du cœur pour une Mauritanie juste et équitable ; une Mauritanie où tous ses enfants vivront en communion, dans le respect les uns les autres ; une Mauritanie au sein de laquelle toutes les langues et cultures seront promues au même niveau. Qu’aucune communauté mauritanienne ne se sente comme un groupe de seconde zone ! Toutes les cultures et langues se valent. Nous pensons que lutter pour la promotion de nos langues est juste une question de survie. La lutte ne fait que commencer.

Propos recueillis par Dalay Lam

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